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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
28 août 2011

Leçon de Crise

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Henri REGNAULT, LA CRISE, N°17, septembre 2011, De la ploutocratie en Amérique

1

LA CRISE

N°17, Septembre 2011

Lettre plus ou moins trimestrielle, gratuite et sans abonnement !

De la ploutocratie

1 en Amérique

:

Lettre ouverte à Alexis de Tocqueville

Résumé.

 

Après avoir penché dans le sens de l’inégalité, le balancier de l’histoire des démocraties devrait revenir

vers l’égalité. Si c’est le cas nous devrons nous en féliciter, car c’est une condition indispensable pour échapper

au déclin de l’Occident et ranger l’analogie avec la chute de l’Empire romain au rang des accessoires littéraires.

Alexis Charles-Henri-Maurice Clérel de Tocqueville (1805-1859)

 

2

Lettre ouverte à Alexis de Tocqueville p.2

1. Conjoncture immédiate : vue imprenable sur le Gouffre Infernal p.3

2. Géopolitique tendancielle : Etats-Unis d’Europe / Etats-Désunis d’Amérique ? p.6

3. Et mes sous dans tout ça : faut-il acheter de l’or ? p.9

4. Le coin de l’intello : entre démocratie et ploutocratie p.13

1

 

du grec ploutos, richesse et kratos, pouvoir, autorité. Plus de précisions en rubrique

4. Le coin de l’intello

2

 

Source :

http://www.nndb.com/people/974/000084722/

Henri REGNAULT, LA CRISE, N°17, septembre 2011, De la ploutocratie en Amérique

2

Mon cher Alexis,

Quand j’étais en classe préparatoire HEC, nous avions au programme des concours ta

« Démocratie en Amérique ». J’avais modérément apprécié, plus intéressé par Sartre, Herbert

Marcuse, voire même par Raymond Aron. A ma décharge, à l’époque, parler de démocratie

n’était pas très vendeur et ce n’était pas avec ça qu’on pouvait faire une dissertation

originale au concours: bref, c’était d’un banal… désespérant. Mais si tu revenais

aujourd’hui parmi nous, sans doute aurais-tu du mal à reconnaître les Etats-Unis

d’Amérique que tu nous as décrits. D’une démocratie jusqu’au troisième quart du 20

 

ème

siècle,

ils sont devenus à la fin du 20

 

ème

siècle, au-delà d’un système électoral inchangé, une

véritable ploutocratie, notamment sous la conduite apparente d’un acteur, un certain

Ronald Reagan dont le plus mauvais rôle fut bien celui de sa Présidence, et sous la direction

effective des factions ploutocratiques visant à exonérer les plus riches de leurs responsabilités

vis-à-vis de l’ensemble du corps social dont ils tirent pourtant leur richesse, par leur propre

talent parfois (et il est juste que le talent soit rémunéré), un simple héritage le plus souvent

et quelques fois, hélas, leur perversité cupide ou mafieuse.

Je crois me souvenir que tu craignais que l’amour de l’égalité inhérent à la démocratie n’entre

en contradiction avec la liberté et que la loi de la majorité ne débouche sur des restrictions

des libertés. Je te rassure tout de suite : comme tu pourras le voir plus loin dans cette lettre,

les Etats-Unis ont su mettre en place un système très inégalitaire, dans lequel le centième le

plus riche de la population reçoit presque le cinquième du revenu national et peut en jouir en

toute liberté sinon en toute bonne conscience. Néanmoins, je ne suis pas certain que tu

aimerais l’Amérique d’aujourd’hui, démocratie dans les formes apparentes de la gouvernance,

ploutocratie dans la réalité de l’exercice du pouvoir au service des plus riches. Pas plus tu

n’aimerais le reste de ce qu’on appelle l’Occident (principalement ta vieille Europe) qui s’est

largement alignée sur les normes politiques et sociales américaines, sans parvenir à autant

d’inégalités qu’en Amérique. Je te dédie donc ce 17

 

ème

numéro de ma lettre trimestrielle LA

CRISE, sorte de Journal de bord d’un officier de marine traversant l’océan déchaîné d’une

convulsion historique majeure. Pour te faire comprendre la nature de ce que nous vivons, la

seule analogie qui me semble parlante, relativement à ta culture, est celle de la chute de

l’empire romain. Mais, si l’Occident vacille, il n’est pas certain qu’il s’effondre : l’analogie

illustrative avec l’Empire romain n’est donc pas forcément prédictive de l’issue. Quant à la

démocratie, peut-être parviendrons-nous à la sauver … mais il va falloir s’y coller en

urgence, sans craindre qu’un peu plus d’égalité ne soit liberticide, bien au contraire.

Je te prie d’agréer, mon cher Alexis, l’expression de mes sentiments les plus démocratiques.

Henri REGNAULT

Henri REGNAULT, LA CRISE, N°17, septembre 2011, De la ploutocratie en Amérique

3

1. Conjoncture immédiate : vue imprenable sur le Gouffre Infernal

“Hier nous étions au bord du gouffre, depuis nous avons fait

un grand pas en avant” Phrase attribuée à de nombreux

hommes politiques, dans de nombreux pays... par pure

malveillance bien sûr!

Quelle surprise! La crise ne serait donc pas finie! Eh oui, la recession est de retour en

Occident et la croissance mollit ailleurs: voilà qui ne devrait pas trop surprendre mes lecteurs

habituels. Mais là n’est pas le plus grave, dont il vaut mieux que vous soyez prévenus au plus

vite: la dette des pays développés ne sera pas vraiment remboursée...parce qu’elle n’est pas

vraiment remboursable (en soi ou au minimum à sa parité de pouvoir d’achat à la

souscription), sinon en provoquant des catastrophes bien pire que les désagréments liés au

défaut de paiement.

Le principe du moindre trouble impose ce défaut – plein dans certains cas, relatif dans

d’autres - qui vaudra mieux que d’asphysier l’économie réelle pour convaincre les marchés de

rouler cette dette à l’infini sans espoir de la voir diminuer véritablement et encore moins de la

voir totalement remboursée un jour à sa valeur de souscription. Plutôt que de conduire les

peuples au désespoir, au milieu de torrents de larmes et de bains de sang, bien des Etats vont

choisir la voie du défaut franc ou déguisé, en fonction des circonstances et des rapports de

force, c’est à dire de sacrifier les investisseurs sur l’autel de la raison d’Etat, ce ne sera ni la

première ni la dernière fois, car telle est la loi de l’Histoire. Les Etats devront réapprendre à

équilibrer leur budget, mais sans la pleine charge de la dette ce n’est pas mission impossible.

Les épargnants retiendront que prêter aux Etats peut nuire gravement à leur santé financière.

Et dans cinquante ans tout cela aura été oublié... et ce sera reparti pour un tour d’endettement

raisonnable, puis grandissant, puis déraisonnable et imposant le défaut.

Toutefois, même si l’issue du défaut me semble de plus en plus probable, ne vous attendez

pas demain matin à des annonces brutales, spectaculaires et irréversibles: le supplice des

épargnants sera long et raffiné. Car le défaut de paiement ne signifie pas que du jour au

lendemain les flux financiers des débiteurs vers les créanciers vont brusquement s’interrompre

(sauf cas extrême, dit de la méthode bolchévique): il y a beaucoup plus subtil et les pays

concernés s’emploieront à panacher les diverses méthodes possibles, tout en évitant de

recourir à la méthode bolchévique... par trop voyante! Entre faux espoirs et remissions

momentanées, le sort des investisseurs en dette souveraine est scellé. Reste, pays par pays, à

fixer les modalités précises de la spoliation. Dans le cadre de mon rôle de consultant non

sollicité et non rémunéré... je livre aux autorités compétentes un petit vademecum du défaut

de paiement sous forme d’une typologie des formes de défaut sur dette souveraine (page

suivante):

Henri REGNAULT, LA CRISE, N°17, septembre 2011, De la ploutocratie en Amérique

4

Typologie des défauts de paiement sur dette souveraine

Méthode

Explicitation

Commentaires

Bolchévique

Je ne rembourse pas, un point c’est

tout et vas te faire… salopard de

capitaliste !

Méthode soviétique pour traiter les

célèbres emprunts russes. Peu compatible

avec un retour rapide sur le marché. Fusil

à un coup !

Régalienne

Je dois assurer la continuité de

l’Etat et l’ordre public, contre vents

et marées. Je réquisitionne ton

épargne en bons du Trésor, tu ne

peux pas en sortir jusqu’à nouvel

ordre.

Méthode du

 

 

corralito

décrite dans LA

CRISE N°16. Idéal, à titre conservatoire,

pour un Etat endetté dans une monnaie

qu’il ne peut pas créer. Peut s’additionner

à de la souscription obligatoire pour les

nationaux.

Misérabiliste

Je n’ai pas les moyens de te payer,

faut me faire un rabais et

m’accorder des délais

supplémentaires

Méthode la plus courante, approuvée par

les plus hautes autorités (FMI) mais

assortie de mesures d’austérité à titre de

repentance. .. du peuple.

Faux‐cul

Ma main droite te rembourse

pendant que ma main gauche te

fait les poches

Idéal pour un Etat dont les créanciers sont

ses propres citoyens nationaux (exemple

Japon). Inopérant lorsque la dette est

internationalisée.

Monnaie de

singe

Pas de chance pour toi : je te

rembourse dans une monnaie dont

le pouvoir d’achat n’est plus ce qu’il

était quand tu as souscrit

Suppose d’organiser la dépréciation

interne (inflation) et/ou internationale

(dévaluation) de sa monnaie pour un pays

endetté dans sa monnaie nationale.

On peut penser que les Etats-Unis vont choisir (ont déjà choisi) la voie

monnaie de singe

, en

organisant la dépréciation du dollar par rapport aux autres monnaies. Mais que feront-ils

lorsque les prêteurs étrangers ne voudront plus de monnaie de singe : voie

régalienne

pour les

étrangers,

faux-cul pour les nationaux ? En zone « Euro canal historique » la voie

monnaie de

singe

est bloquée par une Allemagne allergique à toute forme de dépréciation monétaire (ils

ont donné après la première guerre mondiale et ils en gardent un souvenir cuisant… Hitler et

la deuxième guerre) : seule la voie

misérabiliste

semble ouverte ; elle tiendra un certain temps

Henri REGNAULT, LA CRISE, N°17, septembre 2011, De la ploutocratie en Amérique

5

mais si un minimum de mutualisation ne se met pas en place, les plus faibles sortiront de

l’Euro avec une mesure

régalienne

(conversion de la dette Euro en nouvelle monnaie

nationale, à parité… soit un

Euro Club Med pour un Euro canal historique

) pour ensuite

emprunter (si j’ose dire !) la voie

monnaie de singe par dépréciation de l’Euro Club Med

.

Ces défauts multiformes sur la dette, dont les marchés ont commencé à entrevoir avec horreur

les tenants et aboutissants en ce mois d’août 2011, spolieront les détenteurs finaux de la dette

(les créanciers) selon des coefficients de perte variables, fragiliseront de nombreuses banques

et assurances et entraîneront la faillite des plus faibles d’entre elles, qu’aucun Etat n’a plus les

moyens d’aller sauver, sinon par nationalisation et indemnisation des actionnaires (et

détenteurs d’obligations) à la valeur effective de leur capital : zéro ! Dans ces conditions, si

l’effondrement du système financier mondial n’est pas une certitude (rien n’est jamais écrit à

l’avance et les ruses de l’Histoire sont imprévisibles) il est aujourd’hui l’hypothèse la plus

raisonnable. Mais ce ne serait là qu’une péripétie de l’histoire économique ! Le véritable

enjeu est de savoir si cet effondrement se fera dans :

- une démarche ordonnée de préservation des activités bancaires de dépôts et de crédit à

l’économie réelle (ce qui suppose que les autorités de régulation et banques centrales soient

prêtes à mettre en oeuvre rapidement une telle solution… ce que je ne sais pas… on ne me dit

pas tout !)

- ou dans l’anarchie d’une tentative désespérée – vouée à l’échec – de sauver l’ordre financier

des dernières décennies, fondé sur la banque universelle, véritable salmigondis d’activités

bancaires traditionnelles et d’exubérance spéculative (vente à découvert, assurance d’un

risque sans préjudice - les CDS - et achat/vente à terme purement spéculatif sans implication

dans l’économie réelle du secteur).

Dans le premier cas nous connaitrons quelques sueurs froides et assisterons en direct aux

revers de fortune des plus exposés aux actifs financiers, mais l’économie réelle s’en remettra

plus vite qu’on ne le pense et n’en prospérera que mieux par la suite, arrêtant de se faire

pomper la valeur ajoutée par les parasites de la finance. Les défis à affronter seront alors ceux

que j’énonçais dans mes scénarios de long terme en janvier 2010 (LA CRISE N°10) et en

particulier les défis énergétiques et alimentaires. Dans le deuxième cas nous devrions

bénéficier d’une visite en profondeur du Gouffre Infernal (cf. mes scénarios de court terme

dans LA CRISE N°10) et je ne sais pas dans quel état nous en ressortirons : pas frais en tout

cas et avec une sacrée gueule de bois… dans l’hypothèse la plus favorable.

 

                                   Où l'on nous explique que le vol de l'épargnant d'Etat n'est pas un vol...

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