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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
24 janvier 2012

Que cache le concept très utilisé aujourd’hui de

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                                   Que cache le concept très utilisé aujourd’hui de populisme ?

Une haine du peuple
                             qui nourrit le vote utile

Par Benoît Schneckenburger, philosophe, membre du Front de gauche.

La guerre froide avait engendré une nouvelle typologie politique, opposant, selon le titre même d’un ouvrage de Raymond Aron, Démocratie et Totalitarisme. Concept vague, l’accusation de totalitarisme servait à elle seule d’argument d’autorité contre toute critique de la démocratie. Depuis l’an dernier, comme un bruit de fond préparant l’arrivée de la tempête électorale d’avril 2012, une rumeur se propage et enfle. Il y aurait un véritable danger populiste.

Si bien que d’anathèmes en buzz Internet, les dossiers et les colloques plus ou moins sérieux se consacrent au populisme : BHL interroge les liaisons dangereuses de la gauche et du populisme, Libération débute l’année 2011 par une série d’entretiens, le Monde se fait l’écho des rencontres estivales de Pétrarque sur le populisme, ouvertes par Pierre 
Rosanvallon, et enfin le Cevipof et la revue Cités organisent un colloque, les 26 et 27 janvier, intitulé « le Populisme contre les peuples ». Bigre ! Tant d’attention atteste du phénomène. Il ne peut y avoir de fumée sans feu.

Et pourtant, il faut savoir raison garder. Le populisme est un mot qui ne renvoie à aucun phénomène uniforme. Curieuse destinée pour ce qui a d’abord désigné des mouvements d’émancipation dans la Russie prérévolutionnaire ou les plaines des États-Unis, avant d’évoquer quelque forme forcément confuse d’exotisme latino-américain et de s’inviter dans l’Europe post-guerre froide pour désigner des mouvements d’extrême droite que l’on ne voulait plus traiter de fascismes. Si bien que tous finissent par être qualifiés de populistes, le terme se faisant insulte : Tapie et Le Pen, Berlusconi et Chirac, Mélenchon et le Guide Michelin jusqu’au couple Merkozy dans une tribune récente d’Yves Charles Zarka.

Il faut analyser comment ces approximations, qui dénotent de l’absence d’unité conceptuelle déjà dénoncée en 2007 par Pierre-André Taguieff, finit par produire un effet d’amalgame. À l’encontre de ceux qui l’utilisent peut-être avec sincérité démocratique, il réhabilite le Front national qui fait oublier son origine néofasciste pour être aussi populiste que le « non » au traité constitutionnel européen, ou le Chirac de la fracture sociale.

Plus pernicieux, il devient, à droite comme à gauche, un argument pour le vote utile. Pour éviter le populisme, dont l’image d’unité est donnée par Plantu dans une caricature où Mélenchon en uniforme à l’esthétique nazie et Le Pen lisent le même discours, il faudrait voter pour les candidats sérieux et responsables. La ficelle est un peu grosse, mais en ces temps de désarroi politique, elle est plus efficace qu’un débat sur le fond des programmes.

Plus profondément, le recours à la notion de populisme cache une forme ancienne de mépris pour le peuple et ce que Jacques Rancière nomme une haine de la démocratie. Puisque l’on confond populisme et démagogie, on sous-entend que le peuple, et notamment les classes populaires, serait naturellement incompétent et attiré par l’irrationnel ou la xénophobie.

Vieille tradition antidémocratique qui commence en philosophie avec Platon et Aristote. Il faut toute l’audace d’un Rousseau pour penser que le peuple puisse être souverain. Longue opération de dénigrement pour les libéraux, qui affirment l’idéal de liberté, à condition que le peuple ne s’en mêle pas, inventant le suffrage censitaire au XIXe siècle ou, dans les années 1960, promouvant avec Samuel Huntington l’apathie électorale des classes populaires. Nos intellectuels libéraux aujourd’hui continuent le travail de dénigrement, Alain Minc s’arrogeant le cercle de la raison, Alexandre Adler en appelant à une « dictature bienfaisante » en Grèce. Les exemples sont hélas innombrables.

À force d’un tel mépris, l’accusation de populisme risque fort de se muer en prophétie autoréalisatrice. Pour le meilleur, à condition que le peuple se mêle de nouveau de politique et fasse comme une révolution citoyenne. Pour le pire, si l’on continue de désigner le Front national comme un parti aussi populaire que populiste.

 

(*) Benoît Schneckenburger vient de publier
-le Populisme, le fantasme des élites, 
aux Éditions Bruno Leprince. 95 pages, 5 euros.

 

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