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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
9 février 2012

Monnaie, monnaie !

Introduction

On me demande souvent pourquoi je suis tellement contre le fait que la BCE finance les États.

C’est parce que j’estime qu’il est possible, voire probable, que cela se termine mal au niveau de l’inflation. Ce n’est certes pas une certitude à 100 %, mais une possibilité, qui, si elle se réalisait, conduirait à plusieurs années d’inflation à 2 chiffres. Et, à la différence des années 1970, celle-ci serait la ruine des rentiers, évidemment, mais aussi des salariés et des États. Bref, pas de certitude absolue, mais c’est comme à la roulette russe, le jeu n’en vaut nullement la chandelle…

L’inflation est simplement un impôt qui est prélevé sur tout le monde pour tenter de sauver (assez vainement) l’épargne des 10 % les plus riches ; une restructuration des dettes me semble plus logique, plus juste et moins dangereuse.

La théorie quantitative de la monnaie

Pourquoi y a-t-il un lien entre l’inflation et la quantité de monnaie ? Disons, pour faire simple, que les prix ont tendance à “prendre toute la place disponible”, et donc à compenser par leur propre hausse une augmentation de la quantité de monnaie en circulation. En effet, s’il y a plus de monnaie, il aura plus de demande, et comme, généralement, il n’y aura guère d’offre en plus, les prix monteront. Réciproqueront, les prix ne peuvent monter que s’il y a de la monnaie en plus.

Les choses sont, comme souvent en économie, un peu plus complexes, et les débats autour de la théorie quantitative de la monnaie sont intenses (voir ici par exemple), mais l’idée est là.

Le coin du pro

Pour ceux qui veulent aller plus loin, précisons qu’on doit à Irving Fischer (1867-1947) l’équation qui établit une causalité entre les variations de la quantité de monnaie en circulation et les variations du niveau général des prix :

M * V = P * T (Avec M = stock de monnaie en circulation, V = vitesse de circulation de la monnaie, P = niveau des prix et T = volume des transactions).

On traduit donc MV = flux de monnaie dépensé, et PT = valeur nominale des paiements (transactions).

Sous ces hypothèses (certes, discutables, nous le verrons) :

  • plein emploi des facteurs de production, donc T fixé ;
  • habitudes de paiements stables, donc V fixé ;
  • T indépendant de M.

On peut donc écrire : P = (V/T) * M. Or (V/T) constant donc P et M sont supposés proportionnels et > 0. Donc : ΔP = (V/T)ΔM (Δ représente la variation), ΔP et ΔM sont proportionnels.

De manière succincte, on peut traduire cette équation comme le fait que toute variation de la quantité de monnaie en circulation dans l’économie ΔM implique une variation proportionnelle du niveau général des prix ΔP. Exemple : si les autorités monétaires décident d’augmenter la masse monétaire de 5 %, alors les prix augmenteront automatiquement de 5 %.

Rappelons que cette équation est générale et minimaliste, et que certaines hypothèses ne sont as toujours vérifiées ; de très nombreux facteurs doivent être pris en compte pour expliquer l’inflation et la manière de la contrer.

Un peu d’histoire

Un exemple célèbre a été l’afflux d’or en provenance des Amériques au XVIe siècle qui a fait doubler les prix en quelques années – rompant avec une longue période de stabilité des prix. C’est à cette époque que la théorie a commencé a être développée.

« Quelque innombrables que soient les fléaux qui causent d’ordinaire la décadence des royaumes, des principautés et des républiques, les quatre suivants sont néanmoins, à mon sens les plus redoutables : la discorde, la mortalité, la stérilité de la terre et la dépréciation de la monnaie. Les trois premiers de ces fléaux sont si évidents que personne ne les ignore, mais le quatrième, concernant la monnaie, n’est admis que par peu de gens, par les esprits les plus ouverts, car il ne ruine pas les États d’une façon violente et d’un seul coup, mais peu à peu et d’une manière presque insensible. » [Nicolas Copernic, Discours sur la frappe des monnaies - De monetae cudendae ratio, 1526]

« Je crains cependant, si l’on ne prend pas d’autres dispositions, que les choses ne tournent mal, car on ne cessera de frapper la monnaie comme on le fait à présent. Pourquoi en effet le cesseraient-ils, ceux qui en attendent toujours du profit et jamais de dommage ? » [Nicolas Copernic, Lettre à Félix Reich, 1526]

« La monnaie est donc, en quelque sorte, la commune mesure des évaluations. Il importe cependant que ce qui doit constituer une mesure conserve toujours une grandeur sûre et immuable, sinon l’ordre public serait fréquemment troublé. […] La monnaie se déprécie le plus souvent à cause de sa quantité excessive, […] à savoir quand une si grande quantité d’argent a été transformée en monnaie que l’argent métal devient plus désirable que la monnaie elle-même ; de cette façon donc la monnaie perd de son estime. » [Nicolas Copernic, Discours sur la frappe des monnaies - De monetae cudendae ratio, 1526]

« La principale et presque seule cause de la cherté actuelle des prix est l’abondance d’or et d’argent qui est aujourd’hui dans le royaume plus grande qu’elle n’a jamais été depuis quatre cent ans. » [Jean Bodin, Réponse au Paradoxe de Monsieur de Malestroit, 1568]

« Une dépréciation de la monnaie par suite d’une plus grande abondance des métaux précieux tirés des mines, ou par l’abus des privilèges accordés aux banques, est une autre des causes qui font hausser le prix des denrées alimentaires, mais qui ne changent en rien la quantité de leur production. [...]

Le point capital dans l’émission du papier-monnaie, c’est d‘être parfaitement éclairé sur les effets qui résultent du principe de la restriction dans les quantités mises en circulation. On voudra à peine croire dans cinquante ans que les directeurs de la banque et les ministres ont soutenu à la fois devant le Parlement, et devant les Comités nommés par les Parlements, que des émissions de billets de la banque d’Angleterre [...] n’avaient pas et ne pouvaient pas avoir d’action sur le prix des marchandises ou des lingots, ni sur l’état des changes.» [David Ricardo, Des principes de l'économie politique et de l'impôt, 1817]

Finalement, on ne le croyait en effet plus 50 ans plus tard, mais 200 ans plus tard, la sagesse semble avoir disparu…

À ceux qui jugent ces travaux vieillots, je rappelle cette phrase au coeur du formidable livre de Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, “Cette fois c’est différent” (présenté dans ce billet) :

« Dans son essence, le syndrome “cette fois, c’est différent” est simple. Il trouve ses racines dans une conviction solide : les crises financières sont des choses qui arrivent à d’autres peuples, dans d’autres pays, à d’autres moments – mais pas à nous, ici et maintenant. Nous faisons les choses mieux, nous sommes plus intelligents, nous avons tiré les leçons du passé. Les anciennes règles de valorisation ne s’appliquent plus. Hélas, une économie très endettée peut siéger au bord du gouffre pendant bien des années avant qu’une crise de confiance due au hasard et aux circonstances ne l’y précipite. […]

La théorie économique nous enseigne que c’est précisément la nature versatile de la confiance, [...] qui rend si difficile de prévoir quand se produira une crise de la dette. [...] Les économistes ne savent pas très bien ce qui fait basculer la confiance ni comment évaluer en pratique la vulnérabilité de celle-ci.

Ce qu’on constate de manière répétée dans l’histoire des crises financières, c’est que lorsqu’un accident menace de se produire, il finit par se produire. Les pays qui s’endettent trop profondément vont au-devant des difficultés. » [Carmen Reinhart & Kenneth Rogoff, Cette fois c’est différent, 2009]

Comme :

« Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre » [Karl Marx]

je mets ici en téléchargement (pour les plus intéressés) ce formidable livre : “Écrits notables sur la monnaie au XVIe siècle, de Copernic à Davanzati” (1934)

Écrits notables sur la monnaie au XVIe siècle

Rappels sur la quantification de la monnaie

Rappelons en introduction qu’on réserve le nom de monnaie aux actifs qui présentent deux caractères particuliers :

  • ils sont “liquides”, c’est-à-dire qu’ils peuvent être utilisés instantanément,
  • ils sont “sans risque” de perte ou de gain en capital lorsqu’ils sont mobilisés (c’est-à-dire transformés pour être la contrepartie de l’échange).

Tous les actifs ne sont donc pas de la monnaie et certains le sont plus que d’autres : il y a des degrés dans la “liquidité” et dans le caractère “risqué”.

La monnaie c’est l’ensemble des actifs permettant de se libérer d’une dette, sur un territoire donné, sans délai et sans risque de perte en capital.

Les pouvoirs publics cherchent à mesurer la capacité de dépense des agents de l’économie et pour cela ils définissent des instruments de mesure appelés “agrégats monétaires”, pour suivre l’évolution de la masse monétaire. Ils fonctionnent en poupées russes, par liquidité décroissante. On a en simplifié :

  • un agrégat étroit M1, qu’on peut qualifier de « monnaie », qui regroupe les pièces et les billets en circulation dans le secteur non bancaire ainsi que les dépôts à vue des clients (comptes bancaires) ;
  • un agrégat intermédiaire M2, égal à M1 plus le « crédit à court terme » (essentiellement les comptes sur livrets et les dépôts à court terme – Livrets A, CODEVI, CEL…) ;
  • un agrégat large M3, qu’on peut qualifier de « masse monétaire », égal à M2 plus divers placement monétaires (dépôts à moyen et long terme, sicav monétaires…). Notons que la Fed a cessé de le publier en février 2006, certains y ayant vu le signe d’une volonté de masquer la dangereuse situation d’endettement du pays.

Agrégats monétaires

Soulignons que la différence fondamentale entre M1 et les autres agrégats est que M1 comprend les moyens de paiement utilisables immédiatement (actif parfaitement liquide) alors que les autres agrégats doivent d’abord être transformés pour devenir des moyens de règlements.

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