_______________________
Le début de campagne à gauche a comporté quelques "prises de marques" de part et d'autre, nettement plus acerbes du côté du PS. J'ai pour ma part désapprouvé ici même le capitaine de pédalo dans la tempête de Mélenchon à propos de Hollande, mais je n'oublie pas que ce salopard de Huchon a prétendu que Mélenchon était pire que le Pen - sans que son parti le désavoue... et Cambadélis comme d'autres ont sorti d'autres amabilités de ce style. D'un côté, une saillie inappropriée, de l'autre des invectives inacceptables.
Nous étions arrivés à une attitude plus équilibrée, de concurrents entre eux, face à des adversaires communs quand Hollande qui s'imagine sans doute qu'en 2012 les informations ne circulent pas de part et d'autre de la Manche donne une interview au Guardian, dont on se demande ce qu'il faut penser au regard de son contenu. C'est ça, le candidat ennemi des riches qu'il n'aime pas, et qui va remettre la finance au pas? (en substance, les termes de son discours du Bourget)
Dans le Guardian, il relativise son programme de régulation de la finance qui n'est plus ni moins que celui de Barack Obama. "Vous pouvez en conclure que nous puisons notre inspiration à la même source» ("You could say Obama and I have the same advisers").
Le quotidien proche des Travaillistes anglais qui qualifie Hollande de "jovial" et "adepte du consensus" précise que les positions hostiles à la finance n'ont rien de singulières en France et rejoignent celles de tous les candidats à la présidentielle y compris ceux classés à droite. (le Parisien)
En clair, pour les observateurs étrangers, Hollande tient le même discours convenu que Sarkozy. Et pour les actes à venir s'il était élu?
Les socialistes n'apprendront jamais rien, que ce soit de l'histoire ou de l'actualité. Chercher à "rassurer la finance et le monde des affaires" est inutile parce qu'ils en voudront de toute manière toujours plus, et un électeur décidé à voter à droite, que ce soit par idéologie ou de manière pavlovienne, ne sera jamais conquis par un discours émanant d'un candidat estampillé "gauche". A gauche on doit chercher à séduire son camp et pas celui d'en face.
Toute concession faite à la droite ne fait que la conforter. En 2002, Jospin avait oublié le premier tour pour se consacrer au second et on a vu le résultat. Apparemment, en 2012, Hollande imagine gagner dès le premier tour... surtout quand on ajoute cette agression supplémentaire contre une composante essentielle de la gauche.
Interrogé lundi par le quotidien britannique The Guardian sur la crainte d’un retour au pouvoir de la gauche et des communistes à l’issue de l’élection présidentielle, le candidat socialiste à l’élection présidentielle affirme sans ambages : «today there are no Communists in France... Or not many..." ("Aujourd'hui il n'y a plus de communistes en France... ou plus beaucoup")
Hollande ignore-t-il que la gauche française pèse tout juste 40% des voix? Pour gagner, il lui faut rassembler très largement, parce qu'en face et au delà des divisions et des haines réciproques entre factions de l'UMP et entre UMP et FN, on sait préserver l'essentiel même si l'antisarkozysme du moment est un atout.
Il ne faut pas que les sondages actuels fassent rêver: le résultat se jouera à peu de choses après une campagne acharnée. Sans rassemblement total de la gauche, le candidat qui la représentera au second tour n'a absolument aucune chance.
Il ne faut pas méconnaître la réalité. Si le PCF a perdu de l'influence, il regroupe toujours des dizaines de milliers de militants, dix mille élus locaux dévoués et appréciés, un maillage efficace et ancien du territoire, une forte présence dans les associations locales, etc. Cette influence jouera directement sur des centaines de milliers d'électeurs. En outre s'il s'est contracté, l'espoir qu'il représentait auprès de millions de gens n'est pas mort et chez eux, le désir de revoir une gauche unie sur des valeurs de gauche (et pas du blairisme) n'est pas mort. Alors quand Hollande balance:
La gauche a été au gouvernement pendant quinze ans, nous avons libéralisé l'économie et ouvert les marchés à la finance et aux privatisations. Il n'y a donc pas de craintes à avoir.
La City est peut être rassurée... pas nous.
D'autre part, la mayonnaise a pris autour du Front de Gauche dont le PCF est une des composantes - et Mélenchon semble parti pour dépasser un score que personne n'imaginait il y a seulement trois mois. Or ce Front de Gauche porte une grande partie des espoirs que les communistes cristallisaient avant leur déclin.
Pour espérer gagner au second tour (à supposer qu'il soit qualifié: parce que si plusieurs boulettes de ce style sont commises en quelques semaines, perdre plus de 10% des suffrages est facile... "Remember" Royal et son improbable campagne de janvier 2007) Hollande doit...
- offrir des motifs à rassemblement. On ne peut pas rassurer à la fois la haute finance et les salariés sous-payés, potentiellement victimes du chômage - et je n'évoque pas les chômeurs eux-mêmes. Surtout quand la finance n'est pas si inquiète que ça, à voir l'évolution du CAC40: il est révélateur que les excellents sondages de Hollande ne l'empêchent pas de monter et ça en dit long sur le mal qu'il ferait à "ses principaux adversaires".
- ne pas insulter les partenaires potentiels et les traiter par le mépris. Au lieu de singer les postures et la façon de parler de Mitterrand, Hollande devrait plutôt s'inspirer de sa stratégie de 1981: Mitterrand n'a jamais attaqué le PCF et de ce fait - malgré les efforts de Marchais - l'électorat communiste s'est reporté en quasi totalité.
Première grosse gaffe du candidat après celle de l'appareil, avec l'accord improbable conclu avec EELV.
Pour ma part, si je n'ai jamais été communiste, je me sens proche des aspirations du communisme. Apprenant que je n'existe plus et alors que je me convertissais doucement - sous le poids d'arguments divers - à voter éventuellement Hollande s'il était qualifié au second tour pour chasser Sarkozy que je tiens pour malfaisant, je m'interroge. De toute manière quelle est l'influence d'une voix qui n'existe pas?
Le Monde décrit une visite de terrain du candidat socialiste, hier.
La scène dure quelques minutes. Pour l'un des jeunes présents, les propos sont "choquants". "La lutte des classes existe encore. On le voit de plus en plus aujourd'hui." Un autre, à ses côtés, complète : "François Hollande marque encore plus l'écart qu'il y a entre le PS et la vraie gauche. On sait très bien d'où elle vient la gauche caviar, c'est du PS. Ils servent les intérêts des riches. Il y a des communistes car il y aura toujours des pauvres dans un système comme le nôtre."
François Hollande reste stoïque, échangeant quelques mots avec un membre de la CGT, puis repart pour visiter un atelier de réparation d'appareils électro-ménagers. Dans l'équipe de François Hollande, les propos rapportés par The Guardian ont semble-t-il dérouté. "C'est pas bon, ça", commente un proche en découvrant les réactions indignées des membres du Front de gauche sur Le Monde.fr, ainsi que la réaction de Jean-Luc Mélenchon évoquant, de la part du candidat socialiste, une "attitude hautaine insupportable".
Présent aux côtés de François Hollande, Régis Juanico, député socialiste de la Loire et membre de l'aile gauche du PS, se pince les lèvres : "Je ne m'exprime pas : c'est une langue de bois que vous avez devant vous."
Conseil donné à l'aile gauche du PS: d'accord, en externe, "un militant, ça ferme sa gueule ou ça démissionne". Mais en interne, ouvrez-là, et fort.
Du blog de benjamin borghésio.