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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
8 juillet 2012

Avant Notre Dame des landes

 Des grands travaux routiers de plus en plus...

                      inutiles

 | PAR JADE LINDGAARD

En 2007, la préparation du schéma national d’infrastructures de transports (SNIT) avait constitué l’un des gros morceaux du Grenelle de l’environnement : il s’agissait de planifier les grands travaux routiers, ferroviaires, fluviaux…, tout en essayant de limiter la casse (bétonnage, émissions de CO2…). Quatre ans plus tard, ce même SNIT pourrait être drastiquement réduit, potentiellement des deux tiers, pour cause d’endettement et de pénurie d’argent public. Ce n’est pour l’instant qu’un scénario à l’étude mais il est révélateur d’un changement d’époque : le temps des grands travaux d’infrastructures routières semble de plus en plus révolu.

Ce week-end s’ouvre à Notre-Dame-des-Landes, terre de résistance au projet du nouvel aéroport nantais (voir ici et ici), un« forum européen contre les grands projets inutiles imposés ». Il donne suite à un premier rassemblement tenu l’année dernière en Italie, à Veneaus. Sont attendus les opposants àStuttgart 21, projet de réorganisation du nœud ferroviaire de la ville allemande passant par la construction de lignes à grande vitesse, mais aussiles « no TAV », mouvement de la vallée de Suse qui rejette la nouvelle ligne de TGV entre Lyon et Turin, et leur pendant florentin refusant l’extension de la voie jusqu’à Florence, sans oublier les « Stop HS2 », qui militent contre le projet de train à grande vitesse entre Londres et Birmingham. Ou encore le collectif pour la défense du plateau de Saclay et les anti-Grand Paris.

Ce rassemblement veut dénoncer « partout en Europe, des projets pharaoniques, dépassés, dévoreurs de biodiversité, de terres agricoles et de subventions publiques, et ne répondant pas à de réels besoins des populations mais à ceux d'un système productiviste », déclarent les soutiens français (Agir pour l’environnement, Amis de la Terre, Attac, Relocalisons, Sortir du nucléaire…). 

S’ils ciblent particulièrement les transports, c’est parce que « c’est le problème le plus apparent, commun à plusieurs territoires et moins ponctuel que d’autres projets mégalos », explique Michel Dubromel, de France Nature Environnement (FNE). Parmi les « éléphants blancs » dans la ligne de mire des écolos, figure notamment le grand stade de Lyon. 

Dans une déclaration inédite, commune à la CFDT (à lire ici), FNE demande au gouvernement de justifier la nouvelle ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon (dite « POCL »). Ce n’est pas une opposition de principe au projet, mais la tonalité du communiqué est très critique, au nom du coût des travaux, du risque d’assèchement des lignes locales et des impacts environnementaux négatifs. Alors qu’historiquement, la fédération avait toujours défendu le train contre les autoroutes, elle se montre de plus en plus réservée sur les nouvelles lignes de LGV. 

« Il y a une posture mythologique sur les grandes infrastructrures de transport : les élus pensent qu’elles vont leur apporter du développement alors que le coût d’opportunité est en réalité gigantesque, analyse Julien Milanesi, économiste et l’un des animateurs du collectif d’opposants à l’A65 entre Pau et Bordeaux (voir ici), ces travaux cannibalisent l’argent public alors que les besoins de la France sont saturés. » Depuis 2002, la circulation des voitures particulières stagne en effet en France, comme on le voit sur le graphique ci-dessous, alors que le transport routier de marchandises est lui en baisse nette depuis 2007. 

Selon les comptes des transports 2009. Selon les comptes des transports 2009.


A l’inverse, les transports en commun ferroviaires sont en hausse depuis 1996.

En 2011, selon le rapport des comptes des transports de la nation, en cours de validation, que Mediapart a pu consulter, la circulation des véhicules particuliers ralentit encore (hausse quasi nulle de + 0,2 % après une augmentation de + 0,9 % il y a un an) tandis que les transports collectifs accélèrent leur croissance. La route représente 88 % des transports (individuel et collectif). Pourtant, les investissements en infrastructures, majoritairement réalisées par les entreprises, se tournent d’abord vers les routes (62 %), devant le ferroviaire (19 %).

La dette, encore

Chez les économistes, même si la critique de l’investissement dans les grands projets de transport reste minoritaire – y compris au sein des “atterrés” –, des travaux commencent à pointer leurs faibles impacts sur la croissance. « Les politiques de transport n’ont pas toutes les vertus curatives qu’on veut bien leur prêter », analysent par exemple Miren Lafourcade et Thierry Mayer, dans une note pour le Conseil économique pour le développement durable (à lire ici). Ainsi, la construction d’une autoroute ou d’une ligne à grande vitesse « expose le territoire le plus fragile à une concurrence plus vive de la part du territoire “dominant” », expliquent-ils. 
Elle déplace l’activité, la concentre vers les pôles régionaux plutôt qu’elle n’en crée.

Un argument promotionnel du concessionnaire de l’autoroute A65, dans le Sud-Ouest, était « allez faire vos courses à Bordeaux ou à Pau », suscitant la colère des commerçants de Mont-de-Marsan, se souvient Julien Milanesi. Autre exemple, la perspective de l’ouverture de la LGV Sud Europe Atlantique – réduisant à deux heures le trajet Bordeaux-Paris –, de sa prolongation vers Madrid et Lisbonne, ainsi que de la LGV Bordeaux-Toulouse, a suscité l’éclosion d’un gros projet de centre d’affaires autour de la gare bordelaise, Bordeaux Euratlantique. Au risque de capter une partie des activités de service du bassin aquitain. 

Selon d’autres travaux sur les Etats-Unis, une hausse de 1 % du stock de routes occasionne une croissance de la population et de l’emploi très faible, d’environ 0,2 %, et s’accompagne d’une hausse sensible de la part des citadins aisés, plus motorisés que les ménages modestes. En réalité, concluent les auteurs, si les dépenses d’infrastructures ont bel et bien un effet positif sur la croissance, c’est essentiellement le fait des « premiers investissements qui établissent le réseau, et non des extensions et ou des aménagements effectués à un stade plus avancé ».

Illustration de Pantxo, extrait du blog de Julien Milanesi : "l'atterrissage".Illustration de Pantxo, extrait du blog de Julien Milanesi : "l'atterrissage".


Autre limite : les investissements en transports bénéficient davantage aux plus riches. Julien Milanesi remarque ainsi que le nombre de kilomètres parcourus par personne lors de voyages à longue distance varie du simple au quintuple selon qu’on fait partie des 10 % de Français les plus pauvres (1er décile) ou des 10 % les plus riches (10e décile). La mobilité à longue distance augmente avec le revenu, un phénomène accentué par les voyages professionnels (voir son blog sur Mediapart). 

En se concentrant sur les voyageurs du TGV, il observe que 28 % des déplacements réalisés en 2008 étaient effectués par des individus appartenant à la catégorie des 10 % les plus riches. A l'opposé, seulement 3 % des déplacements ont été effectués par des individus appartenant aux 10 % les plus pauvres. Plus on est riche, plus on voyage et plus on emprunte les lignes à grande vitesse. 

Alors que se raréfie l’argent public, les économies développées ont-elles encore les moyens de continuer à s’équiper en grands axes de transport ? « Tous ces investissements ne peuvent pas faire faillite,poursuit Julien Milanesi, au bout du compte, c’est la collectivité qui devra payer en cas de déroute, comme pour les banques. »Bref, c’est aussi un problème de dette. En ce sens, il serait cohérent que la politique d’austérité et de désendettement public prônée par le gouvernement Ayrault passe par la réduction du portefeuille des grands chantiers. Pas facile dans un pays où règnent Bouygues, Eiffage et Vinci, trois majors mondiales du BTP.

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