Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
21 septembre 2013

La célébration de joie?

Olivier Berruyer
 
 
à " les_crises"
Un nouveau billet vient d'être publié sur Les-Crises.fr :
'[Traduction exclusive] Opération auto-tromperie : les malformations congénitales de l'Euro
(1/2)'

Dans cet article exceptionnel du Spiegel, traduit pour nous par Etienne, on apprend que des documents du gouvernement allemand récemment publiés révèlent que de nombreuses personnes au sein de la Chancellerie d'Helmut Kohl avaient émis de sérieux doutes à propos d'une monnaie unique Européenne,
lorsque celle-ci fut introduite en 1998. Les experts avaient avant tout pointé du doigt l'Italie comme étant le maillon faible de l'Euro.

Dans cet article exceptionnel du Spiegel, traduit pour nous par Etienne, on apprend que des documents du gouvernement allemand récemment publiés révèlent que de nombreuses personnes au sein de la Chancellerie d’Helmut Kohl avaient émis de sérieux doutes à propos d’une monnaie unique Européenne, lorsque celle-ci fut introduite en 1998. Les experts avaient avant tout pointé du doigt l’Italie comme étant le maillon faible de l’Euro.

Les ministres allemands des affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher (gauche) and des finances Theo Waigel (droite) signant le traité de Maastricht

C’était peu après son départ pour Bruxelles, alors que le chancelier était submergé par l’ampleur des événements. Il déclarait alors que le “poids de l’histoire” deviendrait ce week-end là une réalité tangible; la décision de mettre en place une monnaie unique était, selon lui, un motif de “célébration de joie”.

Peu après, le 2 mai 1998, Kohl et ses homologues parvenaient à un accord essentiel. Onze pays allaient faire partie de la nouvelle monnaie Européenne : l’Allemagne, la France, les pays du Benelux — et l’Italie.

Aujourd’hui, 14 ans plus tard, le poids de l’histoire a en effet pris une tournure exceptionnelle. Mais plus personne n’est d’humeur à la fête. L’ambiance était d’ailleurs franchement maussade alors que l’actuelle chancelière Angela Merkel rencontrait son homologue italien Mario Monti à Rome, il y a six semaines.

Alors que les marchés étaient pourtant déjà occupés à fêter prématurément la fin de la crise de l’euro, la chancelière lançait un avertissement: “l’Europe n’a pas encore passé le cap”. Elle faisait également observer que de nouveaux défis surviendraient en permanence dans les années à venir. Son hôte a lui-même reconnu que son pays n’avait pas encore surmonté la phase la plus critique, et que le combat pour sauver la monnaie restait “un défi permanent”.

Il n’aura pas fallu longtemps pour que les inquiétudes des deux dirigeants s’avèrent justifiées. L’économie Espagnole a continué son déclin, les taux d’intérêts des obligations souveraines des pays du sud grimpent une fois de plus, et les résultats des élections en France et en Grèce ont montré que les citoyens en avaient assez des plans de rigueur. En résumé, nul n’est certain que l’union monétaire survivra à long terme.

Nombre des problèmes de l’euro peuvent être attribués à ses défauts de conception. Pour des raisons politiques, certains pays qui n’étaient pas prêts à l’époque ont été inclus. De plus, une monnaie unique ne peut survivre à long terme si elle ne s’appuie pas sur une union politique. Alors que l’euro était en train de naître, de nombreux experts avertirent que les membres de l’union monétaires n’étaient pas compatibles entre eux.

Avancer à tout prix

Mais il ne s’agissait pas seulement des experts. Des documents du gouvernement Kohl, restés secrets jusqu’à ce jour, montrent que les pères fondateurs de l’euro étaient bien conscients de ses tares. Et qu’ils ont malgré tout décidé de continuer le projet.

En réponse à une demande du Spiegel, le gouvernement allemand a pour la première fois publié des centaines de pages de documents allant de 1994 à 1998 relatifs à la mise en place de l’euro et à l’entrée de l’Italie dans la zone euro. Ils incluent des rapports de l’ambassade allemande à Rome, des notes internes et des lettres du gouvernement, ainsi que des comptes-rendus manuscrits de réunions du chancelier.

Les documents prouvent ce qu’on ne pouvait jusqu’à présent que supposer: l’Italie n’aurait jamais dû être acceptée dans la zone euro. La décision d’inviter Rome à y entrer fût basée presque exclusivement sur des considérations politiques et ce aux dépens des critères économiques. Ceci créa également un précédent qui conduira deux ans plus tard à une erreur encore plus grande : l’entrée de la Grèce dans la zone euro.

Au lieu d’attendre que les conditions économiques pour une monnaie commune soient satisfaites, Kohl souhaitait démontrer que l’Allemagne, même après sa réunification, restait profondément européenne dans son orientation. Il évoqua même, en parlant de la nouvelle monnaie “d’un élément de garantie pour la paix”.

Évidemment, les données financières ne jouent pas un grand rôle lorsqu’il s’agit de guerre et de paix. L’Italie est devenu l’exemple parfait illustrant la conviction inébranlable des hommes politiques qui voudrait que le développement économique finisse toujours par se conformer à la vision des dirigeants.

Le gouvernement Kohl ne peut pourtant pas plaider l’ignorance. Les documents montrent qu’il était en fait très bien informé de l’état des finances italiennes. Nombre des mesures de rigueur n’étaient que de la poudre aux yeux — soit il s’agissait d’artifices comptables, soit elles étaient immédiatement retirées dès que la pression politique s’estompait. La situation était paradoxale. Pendant que Kohl faisait passer en force la monnaie unique envers et contre tout, ses experts confirmaient notamment les estimations du centre gauche Gerhard Schröder, alors candidat à la chancellerie du Parti Social-Démocrate. Schröder qualifia alors l’euro de “grand prématuré”.

Une guérison miraculeuse

L’opération “d’auto-tromperie” débuta en décembre 1991, dans un bureau de Maastricht, capitale de la province de Limbourg, dans le sud-est des Pays-Bas. Les chefs d’états européens s’étaient rassemblés pour parvenir à la décision du siècle : l’introduction de l’euro d’ici 1999.

Afin d’assurer la stabilité de la nouvelles monnaie, on se mit d’accord sur de rigoureux critères d’adhésion. Afin d’être acceptés, les pays candidats devaient avoir un faible taux d’inflation, avoir réalisé peu d’emprunts récents et leur niveau de dettes devait être sous contrôle. La commission Européenne et le Fond Monétaire International (FMI) se devaient de suivre les évolutions, et les dirigeants européens devaient parvenir à un accord final au printemps de l’année 1998.

Comme par hasard, l’Italie parvint à remplir toutes les conditions alors que l’échéance se rapprochait — et ce de façon assez surprenante, sachant qu’elle était devenue célèbre pour ses budgets particulièrement en déséquilibre. Mais le pays avait fait l’objet d’une guérison miraculeuse — du moins sur le papier.

Certains fonctionnaires de la Chancellerie Allemande étaient sceptiques. En février 1997, à la suite d’un sommet Germano-Italien, un des fonctionnaires fit remarquer que le gouvernement Italien déclarait subitement, “à la grande surprise des Allemands”, que son déficit budgétaire était plus faible que celui cité par le Fonds Monétaire International (FMI) et par l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE).

Juste avant la réunion, un haut fonctionnaire allemand écrivait dans une note que les nouvelles règles comptables de calcul des taux d’intérêts avaient permis à elles seules une baisse de 0.26 pour cent du déficit budgétaire italien.

Quelques mois plus tard, Jürgen Stark, un secrétaire d’état aux finances allemand, rapportait que les gouvernements italiens et belges avaient “exercé des pressions à la tête de leur banque centrale, en contradiction avec la soi-disant indépendance de celles-ci”. Les hauts représentants financiers étaient apparemment censés s’assurer que les inspecteurs du FMI “ne se montreraient pas trop critiques” face aux niveaux de dettes des deux pays. Début 1998, le Trésor italien publia des chiffres sur le développement économique du pays tellement positifs, qu’un porte-parole du Trésor lui-même les qualifia d’”étonnants”.

À un rythme d’escargot

A Maastricht, Kohl et d’autres dirigeants européens s’étaient mis d’accord sur le fait que l’endettement total des candidats à l’euro ne pouvait pas dépasser 60 pour cent de leur PIB, “sauf si le taux d’endettement décroit suffisamment et se rapproche rapidement de la valeur de référence.”

Mais le taux d’endettement italien était supérieur de deux fois à ce niveau et le pays ne se rapprochait de la valeur de référence qu’à un rythme d’escargot. Entre 1994 et 1997, son taux d’endettement ne recula que de 3 points au total.

Stark affirme aujourd’hui qu’”un taux d’endettement de 120 pour cent indique que ce critère de convergence ne pouvait pas être respecté”. “Cependant, la question politiquement pertinente à l’époque, était la suivante: peut-on se permettre de laisser de côté des membres fondateurs de la Communauté Économique Européenne?”

Les experts au gouvernement connaissaient la réponse depuis bien longtemps. Selon Klaus Regling, alors directeur général aux relations économiques et financières européennes au ministère des finances : “jusqu’à fin 1997, nous, au ministère des finances, ne croyions pas que l’Italie serait capable de respecter le critère de convergence”. Regling est actuellement directeur du fonds de sauvetage provisoire de l’euro, le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF).

On retrouve bien ce scepticisme dans les documents cités. Le 3 février 1997, le ministre des finances allemand soulignait qu’à Rome, “on esquiva d’importantes mesures structurelles de réduction des dépenses, impensables pour l’opinion publique.” Le 22 avril, des notes de discours du Chancelier établirent qu’il n’y avait quasiment “aucune chance” que l’ “Italie répondent au critère de convergence”. Le 5 juin, le département d’économie de la chancellerie annonçait que les perspectives de croissance de l’Italie étaient “modérées” et que les progrès accomplis en termes de rééquilibrage étaient “surévalués”.

En 1998, l’année décisive de l’introduction de l’euro, l’état des lieux restait inchangé. Le secrétaire d’état Stark soulignait lors de la préparation d’une réunion avec la délégation du gouvernement italien, le 22 janvier, que “la pérennité de la solidité des finances publiques” n’était “pas encore assurée”.

“Jamais sans les Italiens”

Horst Köhler écrivit à la mi-mars au Chancelier. Ancien chef des négociations pour l’Allemagne lors des négociations du traité de Maastricht, Köhler fût ensuite nommé président de l’association des caisses d’épargne allemandes. Joint à ce courrier figurait une étude de l’Institut de recherche économique d’Hambourg qui parvenait à la conclusion que l’Italie n’avait pas rempli les conditions “nécessaires à une réduction stable et durable de ses déficits et de son endettement”, et que cela représentait “un risque particulier” pour l’euro.

Kohl débouta néanmoins son ancien conseiller. Bien sûr, les européens devraient poursuivre les réformes structurelles, répondait-t-il, mais il était convaincu que les gouvernements relèveraient le défi “dans les années qui viennent”.

Lors d’un sommet extraordinaire de l’Union Européenne, début mai 1998, Kohl sentit s’exercer le “poids de l’histoire” et apporta sans autre préalable son soutien absolu. “Jamais sans les Italiens, s’il vous plaît. C’était la devise politique”, relève Joachim Bitterlich, conseiller de Kohl en politique étrangère.

Les documents désormais publiés semblent indiquer que le gouvernement de Kohl trompa à la fois le public et la Cour constitutionnelle fédérale allemande. Quatre professeurs avaient à l’époque déposé un recours contre l’introduction de l’euro. Le recours était “manifestement dénué de fondement”, indiqua le gouvernement à la Cour, faisant valoir qu’il ne pouvait être justifié que dans l’éventualité d’un “écart significatif” par rapport au critères de Maastricht, et qu’un tel écart n’était “ni observé ni envisageable”.

Vraiment ? A la suite d’une réunion entre le chancelier, le ministre des finances Theo Waigel et le président de la Bundesbank Hans Tietmeyer, portant sur le recours devant la Cour constitutionnelle fédérale, le chef du département d’économie de la chancellerie Sighart Nehring, soulignait mi-mars 1998 que des “risques considérables” étaient inhérents aux “niveaux d’endettement élevés” de l’Italie. La structuration de sa dette, ajoutait-t-il, était “défavorable”, et les dépenses augmenteraient considérablement si les taux d’intérêts étaient amenés à croître, même en faible proportion.

Un amour envers l’Italie

La note n’eut cependant aucun effet. Le chancelier, semblait-t-il, n’était guère intéressé par les détails. Les politiciens disposaient d’une “flexibilité innée” dès qu’il s’agissait du critère de Maastricht, indique Dieter Kastrup, à l’époque ambassadeur allemand en Italie. L’Italie, après tout, était l’un des membres fondateurs de l’UE, et les italiens ne s’étaient jamais si mal comportés à Bruxelles comme avaient pu le faire les français sous la présidence de Charles de Gaulle, ou les britanniques sous le premier ministre Margaret Thatcher. Et puis, Goethe n’avait-t-il pas lui-même disserté sur l’Italie avec un certain lyrisme? “Nous partagions tous une affection particulière pour l’Italie”, affirme Bitterlich.

Les fonctionnaires à Bonn plaçaient tous leurs espoirs en deux hommes qui s’étaient donnés pour objectif de remettre de l’ordre en Italie: le premier ministre Romano Prodi, un discret professeur de Bologne, et son austère ministre du budget et à la programmation économique, Carlo Ciampi, qui fût gouverneur de la banque centrale d’Italie pendant de nombreuses années.

Les deux technocrates étaient arrivés au pouvoir après que l’ancien système des partis se soit retrouvé emporté dans les tourbillons de la corruption et des milieux mafieux. Prodi et son alliance centre-gauche “Ulivo” (“l’olivier”) avaient remporté les élections de 1996.

Kohl s’était enthousiasmé dès le début pour ce professeur libéral de taille modeste. Ciampi, qui avait fréquenté une école jésuite de Toscane, jouissait d’une bonne réputation parmi les allemands. “Sans Ciampi, l’Italie n’aurait jamais réussi à embarquer dans l’union monétaire à ses débuts”, affirme Waigel, l’ancien ministre des finances.

A cette époque, le pays était à la dérive et se dirigeait “vers la faillite financière”, écrit l’historien Hans Woller. Il fallait plus de 60 jours pour accomplir les démarches administratives nécessaires à la création d’une entreprise. Les Italiens ne pouvaient pas acheter le journal à midi, car ils n’étaient vendus que dans des kiosques, et ceux-ci fermaient durant l’heure du déjeuner. Les retraités surpassaient en nombre la population active, et nombre des personnes officiellement déclarées comme lourdement handicapées étaient en réalité en pleine forme.

À suivre demain dans ce billet

Source : Spiegel

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Archives
Publicité
Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
Newsletter
Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
Visiteurs
Depuis la création 113 539
Publicité