Reculer pour mieux se renier. Face à la mobilisation de la droite réac, le gouvernement a choisi de renoncer à plusieurs de ses engagements : il a annoncé lundi qu’il s’opposerait à la PMA dans la future loi famille, elle-même en passe d’être purement et simplement enterrée. Et même sur la question du genre, l’exécutif est sur la défensive.
La chronologie des faits, lundi, est confondante : après les manifestations massives de la Manif pour tous, c’est d’abord Manuel Valls qui sonne la charge et annonce, en lieu et place des ministres concernés et du premier ministre, que le gouvernement s’opposera à tout amendement incluant la procréation médicale assistée (PMA) pour les femmes seules et les couples de femmes. Le patron des députés socialistes Bruno Le Roux s’agace et dément. Mais quelques minutes après, Matignon est contraint d’embrayer pour confirmer les propos du ministre de l’intérieur.
Les services du premier ministre vont encore plus loin et infligent un véritable camouflet à Dominique Bertinotti. Vendredi encore, dans un entretien à Mediapart, la ministre déléguée à la famille jurait que sa loi famille, promise depuis plus d’un an et demi, serait examinée en conseil des ministres en avril, après les municipales, puis par l’Assemblée au second semestre 2014. Las, Matignon annonce lundi qu’il abandonne toute loi famille en 2014. Une annonce qui sonne comme un enterrement définitif de ce projet de loi qui devait, entre autres, accorder un statut au beau-parent, créer de nouveaux outils juridiques pour faciliter la vie des familles recomposées ou faciliter le recours à l'adoption simple.
La droite peut triompher ; la "Manif pour tous" a remporté une victoire.
La PMA était une promesse de campagne de François Hollande – elle ne figure pas parmi les 60 engagements mais le candidat s’y était dit favorable à plusieurs reprises. Surtout, sa majorité s’est fortement mobilisée sur le sujet à l’occasion du débat sur le mariage pour tous : le groupe socialiste à l’Assemblée y était favorable, soutenu par le très hollandais Bruno Le Roux. Mais face à la mobilisation des anti (déjà !), Jean-Marc Ayrault avait tordu le bras de sa majorité pour l’empêcher de déposer un amendement PMA dans le projet de loi de Christiane Taubira. En échange, il avait promis qu’elle figurerait dans la loi famille.
Mais cette position a à peine tenu un mois. Fin janvier 2013, juste avant une manifestation de la "Manif pour tous", François Hollande prenait ses distances avec son premier ministre et avec la promesse de la PMA : c’est lui qui a demandé que soit d’abord consulté le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et annoncé que le gouvernement suivrait son avis. Son président Jean-Claude Ameisen a annoncé lundi à Mediapart que sa décision n’interviendrait sans doute pas avant un an.
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Pour la majorité, c’est une nouvelle pilule difficile à avaler. « Le débat sur la PMA n'est pas clos. Cet engagement de campagne devra être tenu dans le quinquennat. Attendons l'avis du CCNE », veut croire le secrétaire national du PS aux questions de société, Marc Coatanéa, qui a réagi sur Twitter. Le président du groupe PS, Bruno Le Roux, pris de cours lundi matin par les annonces de Manuel Valls, espère désormais que la loi famille sera votée avec la PMA, après l’avis du CCNE.« Différer un texte où il n'y avait pas la PMA est une bonne décision », a-t-il dit sur Twitter.
Mais d'autres ne cachent pas leur déception. « Bien sûr, il ne faut pas heurter, brusquer. Mais être de gauche, c'est être toujours aux avant-postes de l'ouverture des droits, dans la conquête du progrès. Nous ne l'assumons pas forcément », déplore pour sa part le député PS Thomas Thévenoud, un proche d’Arnaud Montebourg. « La position du PS a été fixée il y a plusieurs années, le groupe PS a voté très majoritairement pour la PMA fin 2012, et leur conviction n'a pas changé, rappelle Patrick Bloche, président PS de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée. J'espère qu'il y aura un dialogue constructif entre le gouvernement et sa majorité. » Le député de Paris regrette par ailleurs « l'amalgame » fait par Matignon et Manuel Valls entre la PMA et la gestation pour autrui (GPA). « Ce sont deux débats très distincts, ce n'est pas opportun de les lier. » « Les femmes espagnoles viendront avorter en France, et les femmes françaises iront en Espagne faire une PMA », résume un député PS, abasourdi.
Pour EELV, il s’agit d’un « recul inacceptable qui loin de calmer le jeu, ne peut que galvaniser les mouvements réactionnaires et conservateurs qui manifestent contre l’égalité ». Même tonalité chez les associations mobilisées sur ce dossier, comme Osez le féminisme qui dénonce un « véritable bal des renoncements » ou le collectif Oui oui oui, qui a tenu lundi à « féliciter les socialistes de leur lâcheté ».