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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
11 mai 2013

Alors, fric ou voyou?

Par BRUNO GACCIO Citoyen engagé membre du collectif Roosevelt, BERNARD DAURENSAN Ancien directeur général d’une banque régionale et membre du collectif Roosevelt, BENJAMIN GRIMONTCoordinateur du collectif Roosevelt

BERNARD DAURENSAN

BERNARD DAURENSAN

Nous étions au Bourget le 22 janvier 2012. Comme des millions d’autres ce soir-là – nous ne sommes ni malentendant ni mal comprenant -, nous avons entendu ceci : «Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature. Il ne sera donc pas élu et pourtant, il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance.» François Hollande, dans ce qui fut pour beaucoup un discours fondateur, ajoutait : «Maîtriser la finance commencera ici par le vote d’une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit de leurs opérations spéculatives.» Cette proposition est en 7e position dans son programme. Et elle est vigoureuse.

Une année s’est écoulée et le projet de loi sur la séparation des banques sera discuté en février au Parlement. Pourtant, cette promesse symbolique ne sera pas tenue. Le texte de loi présenté n’est pas à la hauteur. Loin de là. Ni sur le contenu ni sur les méthodes employées pour l’élaborer. La vigueur s’est transformée en rachitisme. Il ne faut pas montrer ses muscles quand on n’a que la peau sur les os.

Le contenu d’abord. Rien dans ce projet de loi présenté en Conseil des ministres avant Noël n’oblige en effet les banques à séparer leurs activités. Il propose tout juste de filialiser les banques de dépôts et les banques d’affaires. Et seulement 1% des activités financières seront cantonnées dans une filiale de l’aveu même de Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, auditionné le 30 janvier devant la commission des finances de l’Assemblée nationale. 99% des activités les plus dangereuses continueront d’être couvertes par l’Etat en cas de défaillance et donc de menacer les dépôts des Français et notre économie. Nous sommes loin du Bourget.

La filialisation ne règle rien, elle n’empêche pas une maison mère d’être mise en difficulté par la faillite d’une de ses filiales, un étudiant en première année d’économie sait cela. L’exemple d’AIG en 2008 en a fait la démonstration : 116 000 employés d’un côté, coulés par une microfiliale (350 employés) qui avait accumulé suffisamment de risques (1 600 milliards de dollars) pour faire chuter l’ensemble du groupe. Le premier assureur mondial a été sauvé in extremis par le gouvernement américain – c’est-à-dire le contribuable – afin d’éviter l’effondrement du système tout entier. Chez nous, les quatre banques universelles françaises – BNP – Paribas, Société générale, Crédit agricole et Natixis – vantent leurs solidités avec un argument aussi hypocrite que : «Nous sommes trop grosses pour nous effondrer !»(too big to fail). C’est vrai, mais au prix d’un chantage perfide : si on s’effondre, tout s’effondre, donc… on ne peut pas s’effondrer. Comprenez : vous n’avez pas intérêt à nous laisser tomber sinon, les contribuables vont perdre toutes leurs économies.

Autre chantage : «Si vous séparez les activités, nous fermerons des agences, il y aura des chômeurs en plus.» Ah bon ? L’activité des banques de dépôt va augmenter et vous allez fermer des agences ? Nous pensons au contraire qu’il faudra embaucher des banquiers pour booster l’activité de crédit aux PME, aux ménages, étudier les dossiers, les faire avancer, grandir, les refuser aussi parfois, bref : faire un vrai travail utile, visible, critiquable ou admirable.

Pourquoi ce choix de filialiser plutôt que de séparer alors que de très nombreux économistes et dirigeants de premiers plans – de Joseph Stiglitz à Christine Lagarde, en passant par Michel Rocard, Nicolas Baverez, Jean Peyvelerade ou encore Warren Buffett – se sont prononcés en faveur d’un cloisonnement strict entre les activités commerciales et les activités de marché ? Pourquoi le projet français est-il le plus timide, le moins ambitieux, le plus frileux de tous ceux envisagés actuellement sur la planète : Volker aux Etats-Unis, Vickers au Royaume-Uni et Liikanen au sein de l’Union européenne ? Pourquoi refuser de mettre le système bancaire français à l’abri ? Pourquoi protéger une poignée de banquiers et de traders, (il y a en tout 9 018 traders qui travaillent pour ces quatre banques) ? Pourquoi les laisser continuer à prendre des risques inconsidérés sur les marchés en se servant de l’argent des contribuables comme d’une assurance tous risques ?

La méthode d’élaboration de la loi donne des réponses. Le projet du gouvernement, prévu initialement pour les premiers mois du quinquennat, a été reporté au début de l’année 2013 sous la pression du lobby banquier, le temps de vider la promesse de toute sa substance. Seuls les principaux dirigeants des quatre grandes banques françaises ont été auditionnés par les rapporteurs du projet en séance plénière. Les économistes indépendants et soucieux d’obtenir une séparation stricte des banques n’ont quant à eux été reçus que par une seule personne et dans des conditions indignes de la République. Pas étonnant dès lors que le projet Moscovici fasse consensus chez les banquiers et qu’il aille, de l’aveu même du ministre, «dans l’intérêt de la finance», cet adversaire invisible que dénonçait Hollande il y a un an. C’est un peu comme si la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat avait été rédigée par les évêques.

Cette loi, si elle est adoptée en l’état, ne servira donc que 9 018 traders et quatre PDG. Le salaire fixe des traders varie de 6 000 à 9 000 euros par mois. Les bonus octroyés le portent à 50 000, 70 000 voire 90 000 euros mensuels. On comprend que le lobbying orchestré ait été farouche. Ce qu’on ne comprend pas, c’est pourquoi Pierre Moscovici s’y est laissé prendre. Un moment de faiblesse ? Sûrement. Aidons-le à se reprendre. Séparer les activités bancaires utiles à l’investissement et à l’emploi de celles purement spéculatives n’empêcherait pas les traders de «jouer», mais ils ne seraient pas couverts par l’Etat en cas de dérive. Quand on perd au casino, on ne demande pas à l’Etat de couvrir notre mise pour jouer encore et encore… jusqu’à ce qu’on gagne de nouveau.

Il faut remettre les banques à leur place : au service des PME, des artisans, des ménages, de l’économie réelle. C’est pourquoi nous sommes déjà près de 25 000 citoyens à demander aux élus et aux députés d’agir pour muscler le projet de loi du gouvernement sur un site internet (1). Des amendements en faveur d’une vraie séparation des banques ont été déposés et cette solution n’a rien d’utopique : entre 1933 et le milieu des années 90, c’est comme cela qu’a fonctionné le système bancaire mondial et nous n’avons connu aucune crise financière majeure. D’autres visent à obtenir davantage de transparence de la part des banques afin de «lutter efficacement contre les paradis fiscaux». Ça aussi nous l’avons entendu au Bourget mais aujourd’hui on l’entend moins. Forcément, nous, nous sommes restés au Bourget alors que Hollande est à l’Elysée maintenant, 13 kilomètres plus loin. Ça doit venir de là.

La question posée aux députés est simple : alors que 84% des Français sont favorables à une scission des banques (sondage Ifop, juillet 2012), vous, législateurs et représentants du peuple, entendrez-vous sa voix ? Est-ce qu’au nom d’une solidarité gouvernementale – déraisonnable, voire inepte – qui risque de vous faire perdre votre mandat dans quatre ans vous ferez le choix d’attendre la prochaine crise, pour voir si l’option proposée suffit ? Ou agirez-vous pour éviter tout nouvel accident ?

Le système bancaire actuel est le fruit d’une volonté et de lois. Une autre volonté et d’autres lois peuvent le changer. Quand les quatre présidents des banques universelles françaises et leurs chevaux légers vous disent que c’est impossible, trop dangereux… posez-vous la question : si la volonté du peuple ne peut être imposée par les législateurs, alors pourquoi demande-t-on au peuple de voter ? La France tient là une occasion en or de montrer l’exemple, ne la laissons pas passer.

(1) www.monadversairecestlafinance.fr

Source : Libération

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