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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
23 juin 2013

L'amitié Franco-Allemande

Finalement, l’euro, ce sont les Allemands qui en parlent le mieux… :)

Hans-Olaf Henkel est l’ancien PDG d’IBM en Allemagne, et il a présidé le Bundesverband der Deutschen Industrie, l’équivalent allemand du Medef, de 2000 à 2005.

Un constat qui me semble relativement lucide. Ce qui manque tant dans l’analyse, c’est un pragmatisme minimal permettant éventuellement de dire “oui, on s’est probablement trompé”, et, si possible, avant que tout ait explosé

Le constat est indéniable : les relations franco-allemandes n’ont jamais été aussi tendues depuis soixante ans, époque où de Gaulle embrassait Adenauer. J’estime que cette dégradation doit être imputée principalement à l’euro. Moi qui en étais jadis un fervent partisan, je reconnais avoir commis là une faute professionnelle grave et je me rends à l’évidence : l’euro est désormais trop fort pour la France et trop faible pour l’Allemagne.

Pendant des décennies, la France a maintenu sa compétitivité mondiale à coups de réformes sociales et de dévaluations modérées. Aujourd’hui, elle est prise en tenailles entre un gouvernement qui ne peut pas ou ne veut pas imposer les réformes nécessaires et une monnaie qui l’empêche de procéder à une dévaluation, seul moyen d’exporter à des prix raisonnables. Cette situation entraîne une récession, une flambée du chômage, une diminution de l’assiette fiscale et un creusement de la dette publique.

Si les Français rêvent de croissance économique, les Allemands, eux, s’inquiètent de l’inflation : les retraités et les rentiers voient leur épargne s’évaporer, ce qui entraîne une ruée sans précédent vers l’immobilier dans les grandes villes allemandes. Et, alors même que le président Hollande plaide auprès de la Banque centrale européenne pour une nouvelle baisse des taux d’intérêt, son homologue allemande Angela Merkel demande leur relèvement. A l’évidence, la monnaie unique n’est pas viable dans des contextes économiques aussi différents que ceux de l’Allemagne et de la France (sans parler de la Grèce).

Au lieu d’ajuster la monnaie aux réalités économiques des différents pays européens, Bruxelles, Paris et Berlin ont préféré soumettre ces réalités divergentes aux impératifs d’une monnaie unique. Pour maintenir l’euro, nous dit-on, il faut combler l’écart de productivité entre l’Allemagne et la Grèce. D’où le pacte budgétaire européen, conçu comme un instrument d’homogénéisation économique. Le problème, c’est que cette stratégie s’avère inefficace. En effet, presque aucun des pays de l’Europe méridionale ne remplit ses engagements budgétaires. Voyant que ces pays ne parviendront pas à rattraper leur retard, on exhorte les pays d’Europe du Nord, et en particulier l’Allemagne, à ralentir la cadence.

Si la France ne va économiquement pas mieux que l’Italie, les réformes qui y sont mises en oeuvre promettent d’être encore moins efficaces. On pourrait même considérer que certaines décisions prises récemment par le gouvernement Hollande, comme l’augmentation du salaire minimum, l’abaissement de l’âge de la retraite pour certaines catégories de travailleurs et l’introduction de taxes contre les riches, ne vont pas dans le bon sens. L’économie française est contrôlée à plus de 50 % par l’Etat et 90 salariés sur 1 000 sont des fonctionnaires, contre seulement 50 en Allemagne.

A l’époque du franc et du deutschemark, les conséquences de tels décrochages se cantonnaient plus ou moins aux frontières nationales. Souvenons-nous que l’Allemagne, elle aussi, a traversé une période sombre et qu’elle était surnommée “l’homme malade de l’Europe” ; nombre de ses citoyens regardaient alors avec admiration au-delà du Rhin. Mais, avec la monnaie unique, ces décrochages se soldent fatalement par un euro trop fort pour le Sud et trop faible pour le Nord. Conclusion : Peugeot et Renault perdent des parts de marché, tandis que les Audi et les BMW s’exportent à tour de bras.

Nous touchons là au coeur des tensions entre la France et l’Allemagne. Non contents de vouloir introduire les euro-obligations et de mutualiser ainsi les dettes publiques, les dirigeants français somment leurs voisins allemands de freiner leur productivité, de réduire leurs exportations et d’augmenter leurs importations. Or, depuis l’introduction de la monnaie unique, les exportations allemandes sont de moins en moins tributaires de la zone euro. A ce jour, elles s’écoulent à plus de 60 % en dehors de la zone euro. Le Royaume-Uni a supplanté la France au titre de principal partenaire commercial de l’Allemagne. Un ralentissement de la productivité allemande au motif de “sauver l’euro” risquerait d’entamer la compétitivité de l’Allemagne sur les marchés internationaux. D’après certains hommes politiques allemands, c’est un risque qui mérite d’être pris pour normaliser les relations avec la France. Je ne suis pas de cet avis. Je ne pense même pas que la France puisse en tirer un quelconque bénéfice.

Le temps est venu de reconnaître que l’euro a échoué non seulement dans sa vocation économique mais aussi dans sa vocation politique. N’était-il pas censé contribuer à l’intégration européenne et à la paix ? Au lieu de cela, les divers plans de sauvetage de l’euro ont obligé l’Allemagne à endosser le rôle de bailleur de fonds, l’autorisant ainsi à sermonner ses débiteurs potentiels, dont la France. Les Français n’aiment pas qu’on leur donne des leçons, et pour cause : avant l’introduction de l’euro, le gouvernement allemand n’avait pas à s’ingérer dans la politique économique de ses voisins. Aujourd’hui, il semble se préoccuper davantage des privatisations grecques, de la dette publique italienne et des réformes françaises du travail que de ses propres problèmes intérieurs. L’Europe méridionale tenait jadis l’Allemagne dans le plus grand respect. Lors de la récente visite d’Angela Merkel à Athènes, il a fallu déployer 7 000 policiers pour assurer sa protection.

Le fossé entre les pays de la zone euro et les autres est de plus en plus alarmant. Seuls les Roumains sont encore désireux d’adopter la monnaie unique. L’éventualité d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne n’est sans doute pas étrangère aux décisions prises au sein de la zone euro en vue de centraliser, d’égaliser et d’harmoniser. Avant que l’amitié franco-allemande n’en soit la victime collatérale, finissons-en avec la monnaie unique !

Traduit de l’anglais par Myriam Dennehy

Source : Le Monde.fr

 

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