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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
8 août 2013

Suite de Arrière...toutes! (hier)

Suite de notre article de James Galbraith. la première partie est consultable ici.

[Introduction Contre Info] Les mêmes causes – bulle immobilière et spéculative – produisant les mêmes effets – effondrement du système financier, ruineuse déflation de la dette, longue et douloureuse récession – James K. Galbraith estime que c’est dans l’étude de la crise des années 1930 qu’il convient de rechercher le modèle et le format de l’action publique requises. Que faire ? Soutenir, soutenir et soutenir encore la demande, par le biais des transferts sociaux et des investissements de l’Etat, car tant que la situation financière des ménages ne sera pas restaurée, ce qui prendra des années, prévoit-il, l’économie largement en surcapacité ne redémarrera pas. Mais même un programme de cette ampleur pourrait ne pas suffire. La crise des années trente, rappelle-t-il, n’a véritablement pris fin qu’avec l’effort de guerre, où la production avait doublé. Les USA disposent-ils alors d’une solution ? Oui, répond Galbraith, si cette crise est mise à profit pour entreprendre la tâche gigantesque de la reconversion énergétique et de la lutte contre les émissions de CO2. Reste la question du financement. Pour lui, le rôle central des USA dans les relations internationales devrait leur assurer le soutien de l’étranger et leur permettre de lever les fonds requis.

Par James K. Galbraith, Washington Monthly, mars 2009

Ce qui n’a pas redémarré durant les mandats de Roosevelt, cela a été le système bancaire privé. L’activité du crédit, les emprunts hypothécaires et le secteur du bâtiment résidentiel, contribuaient bien moins à la croissance du PIB dans les années 1930 et 1940 qu’ils ne l’avaient fait dans les années 1920, ou comme ce serait à nouveau le cas après guerre. Lorsqu’ils disposaient d’épargne, les gens la conservaient sous forme de bons du Trésor et, malgré les énormes déficits, les taux d’intérêt sur la dette fédérale sont restés proches de zéro. La trappe à liquidité n’a pas été refermée avant la fin de la guerre.

C’est la guerre, et uniquement la guerre, qui a rétabli (ou, plus exactement, créé pour la première fois), la richesse de la classe moyenne américaine. Au cours des années 1930, les dépenses publiques étaient élevées, mais les revenus induits étaient dépensés. Et bien que ces dépenses aient augmenté la consommation, elle n’ont pas fourni l’élan initial d’un cycle d’investissement et de croissance, parce que les usines tournant au ralenti à partir des années 1920 étaient tout à fait suffisantes pour répondre à la demande de nouveaux produits. C’est seulement après 1940 que la demande totale dépassera la capacité de l’économie à produire des biens à usage privé, en partie parce que les revenus sont montés en flèche, et en partie parce que le gouvernement avait ordonné l’arrêt de la production de certains produits, comme les voitures.

Toute cette demande supplémentaire aurait du normalement faire monter les prix. Mais le gouvernement fédéral a prévenu cela en instaurant un contrôle des prix. (Précision : le père de l’auteur, John Kenneth Galbraith, a dirigé ces contrôles durant de la première année de la guerre.) Ainsi, leurs dollars ne pouvant aller nulle part ailleurs, les gens ont acheté et conservé des obligations du gouvernement. Après guerre, ces titres servirent de support au pouvoir d’achat. Ils ont permis de garantir la solvabilité de millions de personnes, ce qui a rendu possible la renaissance de la banque privée, et a jeté les bases de la classe moyenne nombreuse dont l’existence marque si distinctement la différence entre les années 1950 et les années 1920. Mais la relance du secteur financier privé a pris vingt ans, durant lesquels la guerre s’est déroulée.

Une brève réflexion sur cette histoire et la situation actuelle conduit à tirer une conclusion simple : le plein rétablissement du système de crédit privé sera long. Il suivra – et ne précédera pas – la restauration de finances saines pour les ménages. En aucun cas le projet consistant à ressusciter l’économie en gavant d’argent les banques ne fonctionnera. Une politique efficace ne peut fonctionner que dans l’autre sens.

Compte tenu de cela, que doit-on faire aujourd’hui ? La première chose dont nous avons besoin, après cette loi de relance, ce sont de nouvelles lois de relances. Les prochains efforts entrepris devraient être plus importants, à la hauteur de cette situation d’urgence. On devrait fournir un soutien sans limitation de durée aux Etats de l’Union et aux collectivités locales, aux services publics, aux transports, aux hôpitaux publics, écoles et universités, et un généreux soutien à l’investissement public à court et à long terme. Dans la mesure du possible, toutes les ressources inutilisées par le secteur privé la construction résidentielle et commerciale devraient être mobilisées dans des projets de construction publics. Il devrait y avoir une suspension des saisies grâce à un moratoire, suivie par une restructuration de la dette ou la conversion du titre de propriété en location, sauf en cas d’investissements spéculatifs et d’emprunts frauduleux. Le plan du président visant à prévenir les saisies représente une étape utile pour soulager le fardeau de l’emprunt hypothécaire pesant sur les ménages qui sont dans une situation à risque, mais il ne mettra pas un terme à la spirale de la baisse des prix dans l’immobilier ni ne résoudra la situation de surcapacité chronique de logements qui en est la cause.

Deuxièmement, nous devrions compenser la chute violente qu’a subi le patrimoine de la population âgée dans son ensemble. La pression subie par les personnes âgées n’a été que peu soulignée jusqu’à présent, mais elle sont touchées par trois facteurs : la baisse du marché boursier, l’effondrement de la valeur de leur bien immobilier, et la baisse des taux d’intérêt, ce qui réduit les revenus des intérêts sur leur épargne. Pour un nombre croissant de personnes âgées, la richesse que représentent la retraite et l’assurance maladie publiques est tout ce dont ils disposent.

Cela signifie que les projets de réforme de ces programmes sociaux doivent être revus dans l’autre sens : au lieu de réduire les prestations sociales, nous devrions les augmenter, en particulier pour ceux qui sont au bas de l’échelle. En effet, dans cette crise, précisément parce qu’elle est universelle et efficace, la Sécurité sociale1 est un atout économique majeur. L’augmentation des prestations est simple, directe et progressive, et très efficace pour prévenir la pauvreté et soutenir le pouvoir d’achat pour cette population vulnérable. Je voudrais aussi plaider en faveur de l’abaissement, par exemple à cinquante-cinq ans, de l’âge d’admissibilité à l’assurance-maladie, afin de permettre aux travailleurs de prendre leur retraite plus tôt et de libérer les entreprises de la charge qu’est la gestion de cette assurance maladie pour les travailleurs âgés.

Cette proposition vise, en partie, à attirer l’attention sur cette folie qui consiste à parler de la baisse des prestations de l’assurance maladie publique et de la sécurité sociale. La perspective de réductions futures de cette sécurité modeste, mais essentielle, qu’offre la retraite, ne peut qu’inquiéter les travailleurs dans la force de l’âge qui dépenseront alors moins pour épargner plus. Ce qui rendrait l’actuelle crise économique plus profonde encore. En réalité, il n’y a aucun « problème de financement » de la retraite. Il y a un problème d’accès aux soins, mais qui ne peut être traité uniquement qu’en décidant quelles prestations de soins seront fournis, et de quelle façon elles seront financées par l’ensemble de la population. Cette question ne peut pas être traitée, de manière responsable ou éthique, en réduisant les soins dont bénéficient les anciens.

Troisièmement, nous aurons bientôt besoin d’un programme d’emploi pour ramener rapidement les chômeurs au travail. Les dépenses d’infrastructure peuvent aider, mais d’importants projets de construction peuvent requérir des années de préparation, et dans la plupart des cas ils ne peuvent fournir des emplois que pour ceux qui ont les compétences requises. Le gouvernement fédéral devrait donc parrainer des projets qui emploient les gens à pratiquer ce qu’ils font de mieux, y compris les arts, les lettres, le théâtre, la danse, la musique, la recherche scientifique, l’enseignement, la conservation de la nature et l’activité des secteurs sans but lucratif, y compris – et pourquoi pas – les associations locales.

Enfin, une suspension des charges salariales contriburait à rétablir le pouvoir d’achat des familles qui travaillent, facilitant ainsi leur maintien en activité pour les employeurs. C’est une proposition particulièrement importante, car ses effets sont forts et immédiats. Et si la croissance reprend rapidement, son ampleur peut également être réduite. Il n’est pas d’erreur consistant à en faire trop qui ne puisse être facilement corrigée en en faisant un peu moins.

Ces mesures étant appliquées, le gouvernement doit prendre le contrôle des banques insolvables, quelque soit leur taille, et s’atteler à la tâche de réorganiser, re-réguler, faire tomber des têtes, et recapitaliser. Les déposants doivent être entièrement garantis afin de prévenir les mouvements de panique, et le capital privé (actions ordinaires ou privilégiées et dettes subordonnées) devrait subir les premières pertes. De réelles limitations de rémunération devraient être appliquées, et si elles encouragent ceux qui sont au sommet à prendre leur retraite, c’est une bonne chose. Comme le sénateur du Connecticut Christopher Dodd l’a très justement indiqué lors du débat houleux sur la loi de relance, il existe de nombreux remplaçants compétents pour ceux qui partent.

Ensuite, les grandes banques pourront être revendues, découpées en petits établissements privés, dont la taille permettra une évaluation prudente du crédit et de la gestion des risques, effectuée par des gens qui seront assez proches de leurs clients pour favoriser la relance effective, entre autres choses, du crédit aux ménages et aux petites entreprises indépendantes – autre caractéristique de la période des années 1950. Nul ne doit imaginer que le monde arrogant de la haute finance des banquiers et des bulles devrait être autorisé à renaître. Les grandes banques devraient être principalement gérées par des hommes et des femmes ayant une vision à long terme, dotés des qualités des cadres intermédiaires, et non par les ploutocrates imbus d’eux même qui les animent aujourd’hui.

Le chœur des contempteurs des déficits budgétaires et des partisan de la réforme à la baisse des programmes sociaux considérera sûrement ces propositions avec un sentiment d’horreur. Qu’adviendra-t-il du déficit ? Qu’adviendra-t-il de la dette ? Ces questions sont inévitables, et nous allons y répondre. Tout d’abord, le déficit et la dette publique du gouvernement des États-Unis peuvent, doivent, et vont augmenter durant cette crise. Ils augmenteront que le gouvernement agisse ou non. Le choix doit s’effectuer entre une comportement actif, qui augmente la dette tout en créant des emplois et reconstruit l’Amérique, ou un comportement passif, augmentant la dette car les revenus s’effondrent, parce que la population doit être secourue par les programme sociaux, et que le Trésor souhaite, sans raison valable, sauver les grands banquiers et leur éviter les pertes.

Deuxièmement, aussi longtemps que l’économie sera engagée sur la voie de la reprise, même une augmentation massive de la dette publique ne crée pas le risque que le gouvernement américain se retrouve dans le genre de situation qu’ont connu les Argentins et les Indonésiens. Pourquoi ? Parce que le reste du monde reconnaît que les États-Unis remplissent certaines fonctions indispensables, y compris en tant que clé de voûte de la sécurité collective et en tant que principale source de progrès scientifique et technologique. Tant que nous assumerons ces responsabilités, le reste du monde acceptera vraisemblablement de conserver nos emprunts.

Troisièmement, dans la situation de déflation de la dette, de piège à liquidité et de crise mondiale dans laquelle nous somme, le risque n’existe pas qu’un programme de relance, même massif, provoque de l’inflation ou fasse monter les taux d’intérêt à long terme. C’est évident lorsqu’on observe la situation financière actuelle : les taux d’intérêt sur les obligations à long terme du Trésor sont étonnamment bas. Ces taux indiquent également que les marchés ne sont pas préoccupés par le financement de la retraite ou de l’assurance maladie. Ils sont plus inquiétés, comme je le suis, par le fait que les perspectives économiques restent très sombres pour longtemps.

Enfin, reste le problème majeur : Comment faire pour recapitaliser le secteur des ménages ? Comment faire pour restaurer la sécurité et la prospérité qu’ils ont perdu ? Comment construire un économie productive pour la prochaine génération ? Y a-t-il aujourd’hui quelque chose que nous puissions faire qui soit comparable avec la transformation qu’a opéré la Seconde Guerre mondiale ? Presque à coup sûr, non : durant la Seconde Guerre mondiale la production avait doublé en cinq ans.

Aujourd’hui, les plus gros problèmes auxquels nous soyons confrontés sont la sécurité énergétique et le changement climatique. Ce sont des difficultés énormes, car l’énergie sous-tend tout ce que nous faisons, et parce que le changement climatique menace la survie de la civilisation. En la matière, c’est un évidemment un effort national qui est nécessaire. Une telle entreprise, à condition qu’elle soit convenablement menée, en combinant la planification et les marchés, pourrait ajouter 5 ou même 10 pour cent de PIB à l’investissement net. Cela n’atteindrait pas l’ampleur de la mobilisation en temps de guerre, mais pourrait probablement ramener la nation vers le plein emploi et l’y maintenir pendant des années.

En outre, cette tâche ressemble à la mobilisation en temps de guerre de façon importante sur le plan financier. L’adaptation du bâti2 la protection de la nature, le transport, les énergies renouvelables, et les réseaux intelligents relèvent des investissements publics. Comme c’était le cas des armements durant la Seconde Guerre mondiale, leur production génère des revenus sans créer en contrepartie de nouveaux biens de consommation. Si cette situation est convenablement gérée, c’est à dire, par exemple accompagnée par un nouveau programme de créances sur un futur pouvoir d’achat, comme le furent les obligations des emprunts de guerre, les revenus générés par la résolution du problème de la sécurité énergétique et des changements climatiques ont le potentiel de poser les bases d’une restauration des patrimoines de la classe moyenne.

On ne peut prétendre y parvenir en seulement trois ans, comme nous l’avons fait en 1942-44. Mais nous pourrions le gérer sur, disons vingt ans, voire plus. Il est déterminant de mettre en oeuvre des politiques cohérentes, soigneusement élaborées et planifiées et de reconnaître que désormais il n’y a pas de solution miracle, pas de retour aisé à la « normale », ni à un monde dirigé par des banquiers et pas d’autre solution que d’adopter une vision à long terme.

Un des paradoxes de cette vision tient au fait qu’il faille l’adopter maintenant. Nous devons nous engager sur cette voie avant d’avoir commis de désastreuses erreurs politiques, y compris ce fatal renflouement des banquiers et les coupes dans les budgets des programmes sociaux. Il est donc particulièrement important que la réflexion et l’apprentissage aient lieu rapidement. Est-ce que l’équipe Geithner, forgée et formée en temps normal, manifestera l’ambition et la souplesse nécessaire ? Si tel n’est pas le cas, finalement tout dépendra, comme au temps de Roosevelt, de l’intelligence et de la force de caractère du président Obama.

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