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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
14 septembre 2013

Fin des mines?

Aujourd’hui, un témoignage intéressant d’un lecteur nous parlant de l’évolution et de la mort de la mine française – éloquent au niveau de la perte de vision stratégique

 

Un cas particulier : la Société Métallurgique

et Minière de Penarroya

 

 

Naissance et développement de la Société

La Société Métallurgique et Minière de Peñarroya (SMMP) est née en 1881 suite à une idée de l’ingénieur Charles Ledoux. Il avait remarqué que le village espagnol de Peñarroya jouxtait à la fois un gisement de plomb argentifère et une mine de houille. Conjuguer les deux pour en faire un complexe métallurgique et minier lui parut logique. Il ne restait plus qu’à lever les fonds. Il réussit à convaincre le baron de Rothschild et le baron Sellière, banquiers, Wendel, maître de forges, et quelques autres. Le succès fut tel qu’en 1913 Peñarroya fournissait la moitié des besoins en plomb de l’Espagne.

C’est donc dans ce pays que la Société se développa d’abord, mais dès 1920 elle ouvrit une fonderie de plomb-zinc-argent à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), puis, en Italie, exploita des mines dans le Sud de la Sardaigne et une autre fonderie à La Spezia. Dans les années 30, c’est en Grèce qu’elle acquit les droits d’exploitation du Laurium, dont elle commença par exploiter les immenses déblais antiques riches en zinc. En France, elle rouvrit la mine de La Plagne (Savoie), qui ne fermera qu’en 1972 sous la pression des besoins touristiques.

Après la défaite de 1940, les nouvelles lois anti-juives confisquèrent les biens de l’actionnaire principal, la banque Rothschild, ce qui n’empêchera pas la Société de se développer ailleurs dans le monde, mettant ainsi en route le complexe minier de Cartagena-La Union en Espagne et prenant une forte participation dans la Société Zellidja au Maroc.

Après la guerre, le développement va reprendre de plus belle. En France, la mine artisanale des Malines (Gard) est développée jusqu’à devenir la plus importante de France pour les minerais de Pb-Zn-Ag, et même l’un des gisements majeurs d’Europe. Cela est dû à un géologue, François Foglierini qui, à la suite d’une démarche scientifique non conventionnelle, permit de prévoir la répartition des amas de minerai dans le gisement, changeant ainsi le sort de cette mine qui allait fermer.

Et l’expansion continua de plus belle dans le monde : mine de fer du Marquesado et de Pb-Zn à la Sierra de Lujar en Espagne, mines de cuivre de La Disputada et du Soldado et fonderie de Chagres au Chili ; mines de Pb-Zn de Boquira au Brésil et de Raibl en Italie, fonderie de Oued-el-Heimer (Maroc).

Les années 60 sont probablement celles de la plus grande expansion de la SMMP, avec l’ouverture de la mine de Largentière (Ardèche), de Salafossa (Italie), et la construction de la fonderie de Crotone (Calabre). En même temps, un grand effort d’exploration minière est entrepris, en Europe d’abord, puis aux Amériques (Canada, Chili, Pérou, Brésil, Mexique), en Afrique (Afrique du Sud, Namibie) et, plus tard, en Australie. Les moyens mis à la disposition de cette politique ambitieuse n’étaient pas à sa mesure, et la chute durable des cours des métaux y mit un frein dès les années 70. Pour pallier aux budgets trop maigres accordés, F. Foglierini alla chercher des partenaires de joint-ventures. Mais le monde minier est peuplé de requins, et il est parfois tombé sur des personnages dont le moins méchant avait pour seul but d’user du nom de Peñarroya pour faire fructifier ses affaires en Bourse.

Pendant les années 60, un regroupement fut opéré, sous la direction du baron Guy de Rothschild, avec la Société Le Nickel puis, au début des années 70, avec la société Mokta, qui exploitait les mines de manganèse de Moanda, au Gabon, et à partir de 1972, la mine d’uranium de Cluff (Saskatchewan), dont les teneurs stupéfiantes (jusqu’à 16% U3O8 contre 0,1 à 1% en France) seront l’une des causes de la fermeture des mines d’uranium françaises. Ce groupe prit le nom d’Imetal.

Bien que ralenties, les activités d’expansion n’avaient pas cessé, loin de là. En France, la mine de St Salvy (Tarn), au minerai zincifère riche en germanium, fut découverte par le B.R.G.M. et exploitée par Peñarroya. La mine de Huaron (Pérou) fut acquise et le gisement de Thalanga (Queensland) découvert. D’importants intérêts furent pris dans des sociétés à l’étranger : Wambo (houille) en Australie, Copperweld (société métallurgique aux Etats-Unis), Lead Industries (Grande-Bretagne).

Mais la grande découverte est due, une fois de plus, à F. Foglierini, persuadé qu’une zone favorable se trouvait au Portugal (Alentejo), dans le prolongement d’une province métallifère espagnole, cachée sous plusieurs centaines de mètres de recouvrement. Il a eu l’audace d’en proposer l’exploration par les moyens indirects et coûteux qui s’imposaient. N’ayant pu réussir à dégager un budget suffisant, il s’adressa au B.R.G.M., qu’il convainquit d’entrer pour moitié dans le projet. Le résultat fut à la hauteur de son courage et de son imagination, et, en 1977 l’un des plus importants gisements de cuivre, zinc et étain d’Europe, Neves-Corvo, fut ainsi découvert.

Chute et disparition d’une Société séculaire

A la fin des années 70, les activités du groupe Imétal s’étendaient sur l’Europe, les Amériques, l’Afrique, le Pacifique (dont l’Australie). Bien sûr, comme toute œuvre humaine, elle avait connu quelques échecs, par exemple la vente à prix bradé des mines chiliennes La Disputada et El Soldado après l’accession d’Allende au pouvoir ; la mine de Trèves (Gard) qui dut fermer au bout de deux ans à peine faute de réserves ; l’achat du gisement de nickel latéritique de Moro do Niquel (Brésil), qui ne fut jamais mis en exploitation ; la fermeture de la mine de Largentière dont les teneurs trop basses ne supportaient plus les bas cours du plomb et du zinc… Mais rien de tout cela n’était mortel.

Le coup n’est pas venu de l’intérieur, ni par suite d’une mauvaise administration, ni même à cause de conditions économiques défavorables. Une Société minière britannique, Rio Tinto, avec une histoire parallèle à celle de Peñarroya, née en Espagne à la même période, ayant eu la même expansion et un volume comparable, a été confrontée à des difficultés économiques semblables. Au contraire de la SMMP, elle a choisi la voie de la diversification et de l’expansion. A l’heure actuelle elle possède de multiples filiales, et ses activités couvrent la totalité du globe terrestre. L’attaque est venue de la part de l’Etat, dès 1981, à la suite de deux nationalisations dont on connaît le résultat et le coût pour les citoyens : celles du Crédit Lyonnais et de la Banque Rothschild. Le baron Guy de Rothschild déclara aussitôt que, ne pouvant plus appuyer ses activités industrielles sur sa banque, il devait s’en retirer. Il expliqua d’ailleurs sa position dans un long article plein d’amertume, dans le journal « Le Monde », relevant qu’il avait été dépossédé deux fois par l’Etat français, la première en 1941, la seconde en 1981. Ajoutons tout de même que cette fois-là il a été indemnisé.

Les actions ayant appartenu à la Banque Rothschild ont été reversées à l’Etat, qui en mit une partie à la disposition du public, mais en réserva la majorité pour remplacer l’actionnaire défaillant. Dans Imétal, réservé à une société d’exploitation de minéraux industriels (Imérys à partir de 1999) l’Etat n’a plus aucune part (ni Rothschild d’ailleurs). La Société Le Nickel devint Eramet ; elle englobe à la fois les activités nickel et manganèse. L’Etat y a conservé 25% des parts jusqu’à aujourd’hui. Restait Peñarroya, où l’Etat était représenté majoritairement par la société Cogema (actuellement Areva).
En 1984 apparut le nouveau futur PDG de Peñarroya, venant de la Direction générale des matières premières du ministère de l’Industrie, qui sera promu officiellement deux ans après. Et ce fut la débâcle : la vente à Rio Tinto de l’avenir de la Société, l’énorme gisement de Neves-Corvo. Suivirent en avalanche d’autres liquidations : Boquira en 1986, Huaron en 1987, la mine d’or du Bourneix en 1988, puis des fermetures de mines en série : Salafossa en 1986, Cartagena-La Union en 1988 avec sa fonderie (1991), Les Malines (1988), Sierra de Lujar (1989), Buggerru (1990)… Les vieilles concessions inexploitées et les mines fermées depuis un bon demi-siècle furent elles aussi mises sur le marché !

En 1987, le nouveau PDG annonça la fusion de Preussag avec Peñarroya, sous prétexte d’assurer la pérennité des activités minières. Comme c’était vraisemblable, vu la politique de cession d’actifs en pleine action ! La nouvelle entité naquit en 1988 sous le nom de Metaleurop : elle possédait quatre usines en Allemagne et une en France (Noyelles-Godault), qui traitait entre autres les minerais riches en germanium de la mine de St Salvy. L’atelier du germanium, récupéré par un procédé breveté, fut rapidement déménagé en Allemagne. Puis Preussag se retira et fut remplacé par la société Glencore. Cette Société basée en Suisse n’avait rien à faire de la fonderie de Noyelles-Godault. Pour la fermer, on usa d’une grosse finesse : une filiale fut créée sous le nom de Metaleurop-Nord, puis Metaleurop annonça sa décision de ne pas la financer. En mars 2003 la filiale, exsangue, fut mise en liquidation judiciaire, sur fond de campagne anti-pollution orchestrée pendant des mois par les journaux et par la télévision. Malgré la résistance farouche des employés, pour lesquels Glencore n’avait prévu aucune indemnité, l’usine fut fermée et bientôt rasée de fond en comble.

Le choix industriel de la France

Que les gouvernements aient été de droite, de gauche ou de cohabitation, tous ont décidé que la France n’avait pas besoin d’entreprises minières et métallurgiques. La raison n’en est pas claire, mais c’est une constatation. Depuis les années 80, Peñarroya, Péchiney, les mines de fer de Lorraine, les Potasses d’Alsace, les Charbonnages de France, toutes ces industries que l’on avait mis plus d’un siècle à construire, ont disparu dans l’espace d’une quinzaine d’années ou, comme la sidérurgie, sont en voie de liquidation. Les seuls survivants sont hors de France : le manganèse du Gabon, l’uranium du Niger et du Canada, le Nickel de Nouvelle-Calédonie, mais rescapés pour combien de temps ?

Trois articles de foi simplistes semblent pouvoir résumer la « pensée unique » :

Pas la peine de produire, ça ne rapporte pas assez et les autres seront toujours là pour le faire ;
L’Avenir, ce sont les services ;
La Pollution, voilà l’ennemi !

Résultat : un déficit commercial ayant doublé en quinze ans, une industrie qui ne compte plus que pour 14% dans le PIB (au lieu de 30% il y a vingt ans), un chiffre de chômage ayant dépassé les 10%.
Cela dit, peut-on renverser le cours de l’histoire ? En Europe, pourtant si développée, l’exploration minière n’a guère touché que les gisements affleurants – Neves-Corvo est une exception. Un exemple : on frémit à l’évocation du quasi-monopole de la Chine sur les Terres Rares. S’il existe, c’est qu’on le veut bien. En Scandinavie, en Russie, au Groenland surtout, d’énormes possibilités existent, de même qu’en Afrique. Nous avons perdu énormément de temps : attend-on que la Chine mette la main sur ces ressources ? En France, la difficulté commence avant même la prospection. Une autorisation de prospection ne sera délivrée que si l’on démontre (à grands frais) que nul dommage écologique ne sera causé et que les riverains sont d’accord. [...]

Autre problème : les deux métiers de base de la mine, le géologue minier et le mineur, se sont à peu près éteints en France, les derniers professionnels ayant atteint un âge canonique, et ce type d’enseignement ayant disparu. Car il ne faut pas se faire d’illusions : les diverses Ecoles des Mines françaises, aussi prestigieuses soient-elles, étudient tout, sauf la mine et la géologie minière.

Sans audace, sans imagination, sans goût du risque, en un mot sans l’envie d’entreprendre, il n’y a plus qu’à devenir trader ou à jouer à la loterie, et après moi le Déluge !

Signé : un lecteur du blog…

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