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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
9 janvier 2014

Réflexion!

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         Un peu de réflexion ne peut nuire et dans le cas du bouquin d'Aurélien Bernier, c'est bien le cas. Autant l'article de Gérald Andrieu, Si le Front de gauche voulait vraiment lutter contre le FN..., m'avait obligé à donner des éclaicissements et d'en faire un article sur ce même blog, http://blogdelizy.canalblog.com/archives/2014/01/06/28875146.html défendant au passage les écrits d'Aurélien Bernier, autant les études de texte de l'auteur de ce jour sont un voile que l'on déchire.
         Une ouvelle fois vous avez donc l'occasion de vous faire votre propre idée et espérons le d'en pouvoir débattre, ce qui est infiniment plus enrichissant que la lecture seule.

        

Pour que le Front de gauche rompe
enfin avec l'Union européenne

 

 

Mercredi 8 Janvier 2014 à 11:17 

 

AURÉLIEN BERNIER*

 

Le débat se poursuit : Aurélien Bernier, auteur du livre "La gauche radicale et ses tabous", répond aux critiques formulées par l'économiste Jacques Sapir et Marianne

Affiches de campagne - WITT/SIPA
Affiches de campagne - WITT/SIPA
Suite à la publication par Jacques Sapir d'une note de lecture sur mon dernier livre (Lire l'article Les tabous de la gauche radicale  de Jacques Sapir), voici une réponse pour poursuivre le débat. 

Le livre que je viens de publier, La gauche radicale et ses tabous, a un sujet : celui du double revirement qui s'est opéré dans les années 1990, lorsque le Front national est brusquement passé d'un discours ultralibéral à un positionnement anti-mondialiste (1992) et que le PCF a abandonné sa critique radicale de la construction européenne et de la mondialisation pour prôner une « réforme de l'intérieur » (1997). 

Je défends la thèse que ces deux revirements expliquent en grande partie le succès du Front national et l'incapacité actuelle du Front de gauche à rivaliser avec lui. En menant campagne sur l'immigration et l'insécurité, le Front national a progressé dans les années 1980 avant d'atteindre un plafond. Le déplafonnement que nous observons actuellement sur le plan électoral et les progressions spectaculaires de popularité (passée de 8,5 % en 2009 à 23 % en 2013) s'expliquent par cette « nouvelle » image de « seul parti anti-système » que le Front national de Marine Le Pen parvient à construire. 

J'accepte volontiers les remarques de Jacques Sapir sur certaines limites qu'il pointe : La gauche radicale et ses tabous n'est pas un essai sur le concept de souveraineté nationale, ce n'est pas une étude sociologique sur le Front national, et ce n'est pas non plus une analyse de la montée du protectionnisme dans la société française. Je ferais d'ailleurs la même réponse à l'article de Gérald Andrieu, dans Marianne (Lire l'article Si le Front de gauche voulait vraiment lutter contre le FN... ) : je ne traite ni d'immigration, ni de laïcité, ni d'insécurité, car le travail présenté dans ce livre porte sur un autre sujet. 

J'ajoute que j'ai écrit cet essai avec un positionnement que j'assume totalement : celui de soutien critique au Front de gauche, dont je suis sympathisant. Mon souhait est que ce livre puisse faire débat en son sein, avec l'espoir que ce dernier reconsidère sa stratégie et prône enfin la rupture unilatérale avec l'Union européenne et le libre échange. Ceci étant dit, plusieurs points soulevés par Jacques Sapir appellent des commentaires. 

NE CARICATURONS PAS LE PCF, IL A DÉJÀ SUFFISAMMENT À SE REPROCHER

Mon livre raconte comment le PCF s'est plié au diktat du Parti socialiste en 1997 : pour entrer au gouvernement, il fallait que le parti de Robert Hue modère sa position sur la construction européenne en général et sur l'euro en particulier. Pour Jacques Sapir, ce revirement aurait des causes plus profondes : « Le lien consubstantiel du PCF avec une idéologie totalisante [le stalinisme] favorisait ce ralliement à une autre idéologie totalisante [l’européisme]. » Il ajoute que « l’enfermement idéologique, la stérilité des débats intellectuels, ont largement préparé le terrain au basculement idéologique du stalinisme vers l’européisme ». Cette position me semble bien trop caricaturale. 

Certes, le stalinisme n'a jamais fait l'objet d'un véritable bilan au sein du PCF, et « l’enfermement idéologique » fut une réalité. Mais il suffit de se replonger dans les revues communistes des années 1980 et du début des années 1990 pour voir que le débat intellectuel, sur de nombreux sujets, était bien moins stérile qu'on ne le dit aujourd'hui. C'est le cas notamment sur la construction européenne et sur la monnaie unique, mais aussi sur l'analyse de la mondialisation naissante, des sujets sur lesquels le PCF voyait juste. 

Je maintiens, et je l'ai prouvé dans la première annexe du livre (volontairement factuelle), que le passage au discours « euroconstructif » était motivé par un souhait de redevenir socialo-compatible souhait que Robert Hue n'a d'ailleurs jamais caché. L'effondrement de l'univers communiste, par contre, a permis à la direction du PCF de faire accepter ce changement radical d'orientation auprès de militants déboussolés. 

Néanmoins, le positionnement « alter-européiste » du PCF est fragile : les adhérents sont nombreux à regretter cette radicalité du début des années 1990, lorsque le PCF refusait la monnaie unique et présentait la construction européenne comme la construction d'un capitalisme supranational, pour briser la résistance des peuples. 

Je n'idéalise pas pour autant le PCF d'avant 1997, comme Jacques Sapir l'écrit. Ce serait d'ailleurs difficile pour moi d'être nostalgique : né en 1974, je me suis intéressé sur le tard à la politique, sans avoir eu le temps d'être subjugué par Georges Marchais ! Je pense par contre que le PCF a eu raison de s'opposer à la nature même de la construction européenne et qu'il peut encore changer de position pour retrouver cette radicalité. 

LES CRITIQUES TROTSKISTES SONT LOIN D'ÊTRE MARGINALES À GAUCHE

Pour Jacques Sapir, la critique trotskiste du protectionnisme est « marginale » et secondaire par rapport à la « progression des idées protectionnistes dans l’ensemble de la société française ». Mais ce qui est vrai au niveau de la société française n'est pas vrai dans la gauche radicale. Ce que j'appelle la « pensée Lutte ouvrière », qui considère que toute mesure nationale est suspecte de nationalisme, a largement irrigué la gauche de la gauche et a pu, de façon très paradoxale, servir de point d'appui au PCF pour opérer son « grand retournement » de 1997. 

Les trotskistes ont néanmoins raison sur un point : le protectionnisme n'est pas bénéfique par nature. Il n'a d'intérêt que pour rompre avec l'ordre néolibéral, retrouver la souveraineté populaire et mener des politiques de gauche, dans une perspective internationaliste. C'est donc au sein de la gauche radicale qu'il faut convaincre et qu'il faut lutter contre cette idée doublement fausse : le protectionnisme serait un « repli national » et une horreur pour les travailleurs des pays émergents. 

C'est exactement l'inverse : le protectionnisme est un moyen de reprendre le pouvoir sur les multinationales et la contraction de leurs exportations obligerait les capitalistes chinois ou indiens à développer leur marché intérieur pour éviter de sombrer dans la surproduction, et, pour ce faire, à améliorer le niveau de vie de la population. D'ailleurs, comme je le montre dans le livre, certains trotskistes commencent à accepter l'idée d'un protectionnisme « de gauche », d'une désobéissance européenne, voire d'une sortie de l'euro. 

POUR ARNAUD MONTEBOURG, LE MEILLEUR MOYEN DE SOUTENIR LA DÉMONDIALISATION EST DE NE SURTOUT PAS EN PARLER

Jacques Sapir regrette que je n'aie pas mentionné le rôle d'Arnaud Montebourg dans la progression récente des idées protectionnistes. J'avoue l'avoir fait dans mon précédent livre,Comment la mondialisation a tué l'écologie, écrit avant les élections de 2012. Aujourd'hui, j'éviterais de parler d'Arnaud Montebourg à ce sujet. En effet, rien ne peut décrédibiliser autant l'idée de démondialisation et de protectionnisme que la présence d'Arnaud Montebourg au gouvernement de Jean-Marc Ayrault. 

Que peuvent penser les citoyens d'une campagne aux primaires du Parti socialiste qui appelait à « voter pour la démondialisation », presque aussitôt suivie d'une participation à un gouvernement social-libéral et mondialiste ? Deux choses : soit qu'Arnaud Montebourg n'est pas crédible, soit que l'idée de démondialisation n'est pas crédible, puisque celui qui la portait renonce à la mettre en pratique. Si Arnaud Montebourg veut continuer à soutenir la démondialisation, il lui reste deux possibilités : quitter ce gouvernement ou cesser définitivement 
d'en parler ! 

PAS DE « REDUCTIO AD HITLERUM » DE MARINE LE PEN

Jacques Sapir déplore que j'utilise le terme « national-socialiste » pour qualifier la stratégie et le programme politique actuels du Front national, ce qui reviendrait à faire un mauvais parallèle avec les années 1930. Si je suis tout à fait d'accord pour dire qu'un tel parallèle est inapproprié et contre-productif, je ne suis pas d'accord pour renoncer à ce terme. Qualifier ainsi l'orientation politique du Front national n'est pas l'assimiler au régime national-socialiste installé en 1933. Car avant d'être un régime politique, le national-socialisme est une doctrine, qui combine un nationalisme fondamentaliste et des mesures empruntées au socialisme. C'est plus que jamais la définition du programme porté par le Front national. 

D'autres auteurs utilisent d'autres termes : national-populisme, national-keynésianisme... Outre le fait qu'ils contiennent une référence implicite au national-socialisme, l'emploi de ces qualificatifs revient à tourner autour du pot et à chercher, dans un réflexe d'auto-censure, des substitut au terme le plus approprié. 

Le Front national lui-même semble parfois assumer ce positionnement. Ainsi, le 28 octobre 2010, Jean-Marie Le Pen déclarait « Dans national-socialisme, il y a socialisme. Il y avait un contenu socialiste considérable qui a transformé la société allemande beaucoup plus qu'aucune autre force politique ne l'avait fait ». On trouve également sur le site d 'Alain Soral une distinction entre le « national-socialisme pur » (présenté de façon positive) et le régime nazi qui montre que l'extrême droite peut revendiquer cette filiation doctrinale. 

D'autre part, je ne critique pas « la posture anti-fasciste » comme le résume trop brièvement Jacques Sapir. Le mouvement anti-fasciste n'est pas un mouvement structuré, dont les militants seraient regroupés autour d'un discours unique. Je critique une approche trop caricaturale du Front national et des raisons de sa percée, qui est loin d'être l'exclusivité d'« anti-fascistes » tel qu'on les conçoit habituellement : en la matière, le Parti socialiste bat tous les records de platitude (voir par exemple La Revue socialiste d'octobre 2013, « Le FN passé au crible », dans laquelle la plupart des interventions de dirigeants socialistes rivalisent de nullité). 

Il est à présent évident que les mobilisations des années 1980, 1990 et 2000 contre l'extrême-droite ou les discours caricaturaux ne fonctionnent plus. Il faut changer d'approche, et se battre contre elle sur le terrain de la radicalité. 

L'objectif économique assumé du Front national est de relancer le capitalisme français dans une concurrence internationale inchangée. Dans sa doctrine, l'unité nationale est, au passage, un moyen d'étouffer la lutte des classes. A l'inverse, l'objectif de la gauche radicale doit être de rompre avec l'ordre économique pour en construire un autre, nationalement d'abord, mais sans perdre de vue la perspective internationaliste. Elle doit admettre que le protectionnisme, la désobéissance européenne et la sortie de l'euro ne sont que des moyens pour y parvenir, et qu'il n'y a donc aucune raison de les abandonner au Front national. 

Quant au fait que le Front national puisse « évoluer vers quelque chose de complètement nouveau », je n'y crois pas une seule seconde. Les scissions ne se font pas à l'approche de probables victoires. Des voix « dissidentes » (Lesquelles ? De quelle nature : antiraciste ? anticapitalistes ? internationalistes?...), si elles existaient (mais on voit mal comment), ne pèseraient rien face à la direction actuelle, qui a le vent en poupe. Ce qui est certain, par contre, c'est qu'une sensibilité ultralibérale existe toujours au sein du Front national, même si elle se fait discrète pour d'évidentes questions de contexte. 

On peut donc imaginer, en cas de victoire aux élections nationales, que tous les frontistes ne seront pas aussi « anti-système » que Marine Le Pen cherche à le paraître dans les médias, et que le programme économique « de rupture » sera loin d'être appliqué en totalité. C'est bien cette imposture qu'il faut déconstruire de toute urgence. 

*​Aurélien Bernier est l'auteur de La gauche radicale et ses tabous – Pourquoi le Front de gauche échoue face au Front national. Seuil, 17 €.  
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