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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
29 mars 2012

Du blog d'Olivier Berruyer (économiste)

Il y a des jours, en peine à en croire ses yeux devant tant d’imbécillité – qui confine à de la haute trahison… Petit topo.

Rappels sur les futures

Nous avons présenté dans ces billets l’ensemble des produits dérivés et les contrats à terme sur taux d’intérêt.

Les futures sur taux long terme sont donc basés sur les obligations publiques des États. La moitié du marché mondial est européen et traité sur la Bourse Eurex.

Ses produits phares sont les futures sur l’emprunt d’État allemand (le Bund), qui constituent le marché directeur des taux d’intérêt à moyen et long terme de la zone euro.

Rappelons que les futures sur une obligation notionnelle sont fondamentalement des contrats permettant d’acquérir à terme une obligation d’État.

Par exemple, le contrat Eurobund est un future de taux dont le sous-jacent est une obligation émise par le Trésor allemand d’une durée de vie compris entre 8 ans et demi et 10 ans et demi et d’un coupon de 6%.

Avec la baisse des taux des obligations allemandes, l’Eurobund est au plus haut (au-dessus de 135%).

À l’inverse, les taux des obligations des pays de la zone euro, hors Allemagne, ont fortement progressé depuis 2009.

Avant la création de l’euro, chaque pays avait son contrat future sur les taux ; vers 2000, les futures sur la dette française traités sur le Matif ont fini par disparaître. Aujourd’hui, c’est sur le contrat allemand que s’effectue la majorité les transactions.

En 2009 et 2011, Eurex a lancé des contrats sur la dette italienne, le BTP, surfant sur la vague des tensions sur les emprunts italiens – mais il a connu peu de succès en raison des tensions sur les emprunts italiens. Le volume moyen quotidien sur le future Euro-BTP ne s’élève qu’à 10 000 contrats.

Que croyez-vous qu’il va se passer maintenant ?

Communiqué de presse Eurex du 21 mars 2012

Londres, 21 mars (Reuters) – L’Eurex a annoncé mercredi qu’il lancerait le 16 avril un contrat à terme sur Obligations assimilables du Trésor français (OAT).

“Avec l’introduction de ce nouveau contrat, nous réagissons au grand intérêt témoigné par les participants à des solutions d’arbitrage plus personnalisées, a déclaré Mehtap Dinc, responsable du développement des produits de la Bourse de dérivés.

Les contrats sur OAT auront une structure similaire à celui du future sur Bund allemand et seront traités de 8h00 à 19h00.

Avec une baisse des volumes sur les contrats du Bund, les traders obligataires veulent de nouveaux moyens d’arbitrer les emprunts souverains dans un marché qui devient de plus en plus fragmenté et où le risque doit être évalué pays par pays.” [Reuters]

Le communiqué de presse Eurex est consultable ici (en anglais)

Comme l’indique l’Agefi :

«Il s’agit d’une initiative privée qui pourrait susciter un surcroît d’intérêt des investisseurs pour les titres français et accroître marginalement leur liquidité», indiquait hier un porte-parole de l’AFT.

Pour assurer le succès du nouveau contrat, Eurex a approché plusieurs teneurs de marché qui se sont montrés intéressés, dont Barclays Capital et Morgan Stanley. «Avec la cherté du cash, on voit un certain nombre d’investisseurs chercher des produits de hors bilan, explique Raoul Salomon, managing director chez BarCap. Le future Bund est en situation de monopole. La dette française est de grande taille, avec un marché du repo efficient, tous les éléments sont réunis pour attirer de la liquidité sur le nouveau contrat».

D’autres spécialistes en valeurs du Trésor se montraient hier plus attentistes. «La liquidité sur le marché est largement suffisante. La création de ce contrat est peut-être liée à la baisse des volumes chez Eurex», s’interroge l’un d’eux. Le recul du nombre de contrats traités, amorcé en novembre, a atteint 27,8% sur un an en janvier et février.

Une arme fatale contre la dette française

Je reprends pour finir l’édito de Marc Fiorentino du 23 mars – tout est dit !

“Quel hasard! Quelle coïncidence. 13 ans après la disparition du MATIF, le marché à terme des instruments financiers, une semaine avant les élections française, tous les spéculateurs du monde entier pourront facilement vendre à découvert de la dette française. Facilement. A coûts bas. Et avec un effet de levier maximum. Non, bien sûr, la “Finance” ne se prépare pas à la guerre contre François 2.

À partir du 16 Avril, tout le monde pourra spéculer contre la dette Française

C’est une annonce qui est passée relativement inaperçue. Le 16 Avril, soit, quelle coïncidence, une semaine avant le premier tour des élections françaises, le marché des dérivés, l’Eurex, va ouvrir un contrat à terme sur les emprunts d’État français. Qu’est ce que cela veut dire? Très simplement. Jusqu’à présent, si vous vouliez spéculer contre la dette française, vous n’aviez que deux moyens: acheter des CDS, ces fameux contrats d’assurance contre la faillite, ou vendre à découvert des emprunts d’État français, deux moyens destinés aux grandes institutions financières et aux gros fonds spéculatifs et qui nécessitaient de gros moyens.

Avec l’ouverture de ce contrat, ce sera plus facile

Tout le monde ou presque pourra acheter ou vendre à découvert des emprunts d’Etat français. Facilement. Et en plus avec un effet de levier de 20. C’est-à-dire qu’avec 50 000 euros seulement vous pourrez vendre à découvert 1 million d’euros d’emprunts d’État français. C’est l’arme idéale pour attaquer la France. Cela fait plus de 13 ans qu’avec la disparition du MATIF, le marché à terme des Instruments Financiers, on ne pouvait plus spéculer contre la France aussi facilement.

On va dire que c’est une simple coïncidence. Que c’est un hasard si quelques jours avant les élections françaises, les spéculateurs du monde entier se dotent d’une arme fatale, bon marché, et à fort effet de levier pour s’attaquer à la dette française. Il n’y a pas de complot. Rassurez-vous. Dormez tranquille. Il ne se passera rien….” [Marc Firentino pour Allofinance]

Quand je pense que le député européen Pascal Canfin, interviewé dans ce billet, s’est battu durant 2 ans pour faire interdire (partiellement) la vente à découvert de CDS pour spéculer contre les États…

Proposition

N’est-il pas étonnant de voir les État capituler ainsi devant toute “innovation financière”, afin de ne pas effrayer les marchés, ou, PIRE QUE TOUT, pour ne pas INTERDIRE un produit (finalement l’esprit de 1968 “il est interdit d’interdire” se porte comme un charme dans la sphère financière.

Notez bien que je n’accable en rien Eurex, qui ne fait que son travail, et répond à la demande de ses clients, qui ne font que leur travail – gagner de l’argent.

Il est tout à fait logique que ceci se produise ; sous la règle du jeu “il n’y a pas de règle”, ces décisions sont parfaitement logiques et rationnelles – et donc non critiquables.

Non, le souci n’est que du côté du politique qui laisse faire – le régulateur n’ayant plus l’autorité, voire la volonté, pour prendre des décisions fermes. Du genre de celles qui se prennent pour le secteur du nucléaire.

Or, au vu des conséquences, la sécurité financière doit être traitée de la même façon que la sécurité nucléaire. On n’écouterait pas un conseiller expliquer qu’une enceinte de confinement d’un réacteur nucléaire n’est pas très jolie à l’oeil ou effraie les oiseaux, on ne devrait donc pas écouter les apôtres de la pseudo-liquidité sans limites…

À ce sujet, je rappelle une de mes propositions, parue dans mon livre :

4-1/ Supprimer les instruments utilisés par la spéculation pour réaliser des paris sur les prix. Interdire par exemple la plupart des ventes à découvert, les opérations d’endettement pour des achats spéculatifs, les opérations à effet de levier important, l’utilisation des produits dérivés par des spéculateurs, l’accès aux marchés à terme aux spéculateurs, les opérations de type assurantiel aux non-assureurs (CDS…), le high frequency trading… Interdire les transactions sur les produits financiers hors des marchés réglementés pour imposer la transparence.

Acheter un CDS sans avoir la chose assurée est comme assurer pour son compte la voiture de son voisin ou s’assurer sur la grêle sans être agriculteur. Ceci ne peut qu’encourager des comportements nuisibles. Le capitalisme est un pari courageux sur l’avenir, sur la réussite d’une entreprise à moyen terme. Ce n’est pas réaliser des paris spéculatifs sur le cours d’une matière première ou d’une monnaie une semaine plus tard – d’autant que les sommes sont telles que ces paris modifient les prix.

Je rappelle enfin que la loi n’accorde aucune aide pour demander l’exécution d’un pari – et ce depuis quatre siècles :

« Déclarons toutes dettes contractées pour le jeu nulles, et toutes obligations et promesses faites pour le jeu, quelque déguisées qu’elles soient, nulles et de nul effet, et déchargées de toutes obligations civiles ou naturelles.» [Article 138 de l’ordonnance de Louis XIII du 15/01/1629, dite Code Michau]

« La loi n’accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d’un pari. » [Article 1965 du Code civil, inchangé depuis 1804]

Il pourrait ainsi être intéressant de remettre en vigueur les articles 421 et 422 du Code civil qui interdisaient ces paris jusqu’en 1885 :

« Les paris qui auront été faits sur la hausse ou la baisse des effets publics, seront punis d’un emprisonnement d’un mois au moins, d’un an au plus. » [Article 421 du Code pénal, abrogé en 1885. NB : "effet" = obligation]

« Sera réputée pari de ce genre, toute convention de vendre ou de livrer des effets publics qui ne seront pas prouvés par le vendeur avoir existé à sa disposition au temps de la convention, ou avoir dû s’y trouver au temps de la livraison. » [Article 422 du Code pénal, abrogé en 1885]

Je conclue en laissant la parole à quelqu’un qui a vu le problème des marchés à terme sur dette publique depuis longtemps – amusant de voir le retournement des mentalités en deux siècles :

« Ne doit-on pas considérer comme des malveillants ceux qui, pour avilir les effets publics, s’engagent à en livrer dans un délai convenu des quantités considérables à un cours plus bas que celui du jour ? L’homme qui offre de remettre dans un mois à 38 francs des titres de rentes qui se vendent aujourd’hui au cours de 40 francs ne proclame-t-il pas et ne prépare-t-il pas le discrédit ? Ne montre-t-il pas au moins que personnellement il n’a pas confiance dans le gouvernement, et le gouvernement ne doit-il pas regarder comme son ennemi celui qui se déclare tel lui-même ? » [Napoléon Bonaparte, 1801]

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