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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
30 mars 2012

manipulation

[Article] La plus grande manipulation financière de l’Histoire

Pour conclure la série sur les futures de taux,

un petit mot sur le scandale en préparation

concernant le taux Libor.
Le Libor.
Le Libor est une série de taux de référence du marché monétaire de différentes devises.
Son nom a été formé par la contraction des mots anglais London InterBank Offered Rate (en français : « taux interbancaire offert à Londres »). Historiquement, c’est le premier des nombreux taux Ibor (comme l’Euribor).

C’est simplement le taux auquel une banque de première catégorie, à un moment donné et pour une échéance donnée, prête à une autre banque de première catégorie “en blanc” (en anglais : unsecured lending), c’est-à-dire sans que le prêt soit gagé par un actif (comme des titres de créances négociables ou des valeurs mobilières).

Le prêt en blanc est à la fois l’opération la plus risquée, la plus encadrée par la règlementation interne bancaire et la plus coûteuse (en utilisation du capital ou en poids dans certains ratios prudentiels) du marché monétaire, c’est donc l’une des moins fréquentes et des moins importantes en montant global.

Paradoxalement, c’est cependant sur ce petit marché que repose une bonne partie du marché immense des produits dérivés financiers.
L’évolution du Libor


Il est frappant de voir comme ce taux interbancaire, le plus risqué, est resté faible – comme si les banques n’avaient aucun problème… D’où :

Manipulations autour du Libor ?

Je reprends la suite du billet du site du journal Le Temps et de Domaine Public, pour ne pas refaire ce qui a déjà été bien fait…

Plusieurs agences enquêtent sur des manipulations d’un taux de référence pour des centaines de milliards de produits financiers, le Libor. Les banques l’auraient maintenu artificiellement bas pour ne pas apparaître vulnérables ou pour engranger des bénéfices.

Un article de notre partenaire Le Temps
Vendredi dernier ce fut Credit Suisse. La veille, Deutsche Bank. Une semaine plus tôt, Société Générale et Barclays, et, peu avant, l’américaine Citigroup.

En petits caractères, souvent à la fin de leur rapport annuel, les plus grandes banques du monde finissent par communiquer officiellement sur le scandale Libor. L’affaire frappe le taux d’intérêt qui sert d’étalon à la finance mondiale, le Libor, et qui a éclaté grâce à la dénonciation d’un des membres de cette entente, UBS.

Les spécialistes en parlent comme de «la plus grande manipulation financière de l’Histoire». Le Libor, le taux interbancaire de Londres, tout comme le Tibor, son équivalent à Tokyo lui aussi objet du cartel, constitue le point de repère pour quelque 350 000 milliards de dollars de produits financiers (100 fois ce que gère la place financière helvétique), selon une estimation de l’association des banques britanniques (BBA). On y trouve les cartes de crédit, les hypothèques suisses à taux variables et quantité de produits structurés. La Banque nationale suisse l’utilise pour mener sa politique monétaire.

Or ces taux de référence ont été influencés par les grandes banques, à leur avantage. C’est ce que soupçonnent les gendarmes des marchés en Europe, en Amérique, au Japon et en Suisse. La Commission de la concurrence (Comco) a annoncé le 3 février dernier l’ouverture de son enquête.

Qui a dénoncé cette entente? La réponse se trouve en page 83 du rapport trimestriel d’UBS publié le 9 février dernier. On y lit: «UBS a reçu une immunité conditionnelle de la part d’autorités de plusieurs juridictions […] concernant d’éventuelles violations des lois antitrust ou sur la concurrence, en lien» avec le Libor et le Tibor. Depuis, Citigroup et Barclays lui ont emboîté le pas, chacune espérant limiter les éventuelles amendes.

Ces trois établissements font partie d’un groupe de dix-huit grandes banques internationales qui fournissent chaque matin à la BBA les taux d’intérêt auxquels elles estiment pouvoir emprunter à leurs consœurs à plusieurs échéances et dans plusieurs monnaies (lire ci-dessous). Elles sont suspectées de s’être mises d’accord pour maintenir des taux artificiellement bas entre 2007 et 2011. L’enquête des autorités concerne non seulement ces géants de la finance internationale mais aussi de plus petits établissements et des hedge funds qui auraient été dans la confidence.

Les premiers soupçons de manipulation remontent en réalité aux prémices de la crise financière. Lors d’une réunion de la Banque d’Angleterre en novembre 2007, certains experts sont intrigués devant des taux Libor «étrangement bas». Des banques au bord de la faillite et un secteur financier plombé par la découverte des produits toxiques liés aux «subprime» devraient, à leur avis, logiquement entraîner des coûts d’emprunts bien plus élevés.

Quelques mois plus tard, en avril 2008, le Wall Street Journal s’interroge. Le quotidien américain constate que le taux Libor reste curieusement stable alors que de nombreux indicateurs de la santé du système financier international se détériorent jour après jour.

C’est notamment le cas des contrats d’assurances contre le défaut d’une banque, dont les prix explosent. Un analyste de Citigroup semble avoir été licencié en 2008 parce qu’il avait publiquement posé la question «Le Libor est-il cassé?», lit-on dans une plainte.

L’affaire grossit le 15 mars 2011, grâce à UBS. En page 318 de son rapport annuel 2010, la banque reconnaît qu’elle a été citée à comparaître par des autorités financières américaines et japonaises dans une affaire de manipulation de taux d’intérêt. Une première plainte civile est ensuite déposée aux Etats-Unis par trois sociétés de gestion d’actifs. Le 26 juillet 2011, UBS écrit qu’elle coopère avec les régulateurs de deux pays. En échange d’informations sur une manipulation supposée des taux Libor et Tibor, la banque suisse s’assure de pouvoir bénéficier de la clémence des autorités et d’une immunité partielle.

Pour Connan Snider, professeur assistant en économie à UCLA, qui étudie ce sujet depuis plusieurs années, «on peut présumer que si une banque accepte de coopérer, cela revient à reconnaître implicitement que des pratiques illicites ont pu avoir lieu». Rien n’empêche cependant que l’établissement soit contraint à dédommager les sociétés ou particuliers qui la poursuivent. D’ailleurs, l’«immunité conditionnelle n’empêchera pas des parties privées de porter plainte au civil contre nous», écrit UBS.

Les plaintes civiles se multiplient.

UBS, Credit Suisse et neuf autres établissements financiers sont attaqués aux Etats-Unis en août 2011. Contactées, UBS s’en tient au paragraphe de son rapport annuel et Credit Suisse explique avoir été informée de cette enquête par la Comco et qu’elle «coopère pleinement» avec les autorités dans cette affaire.

Charles Schwab est à l’origine de la poursuite de ces onze banques. La presse et les enquêtes internationales avaient alerté cette société américaine de courtage en ligne sur des trucages possibles du Libor. Mais c’est l’auto-dénonciation d’UBS qui l’a décidé à se tourner vers la justice et à porter l’affaire devant le Tribunal de San Francisco en août dernier. Dans un document d’une quarantaine de pages, Charles Schwab estime que les banques incriminées ont pu récolter de manière illicite «plusieurs centaines de millions, voire milliards, de dollars». Au détriment d’autres sociétés ou particuliers: «En sous-évaluant les coûts d’emprunts réels, les banques ont induit en erreur les investisseurs quant à leur santé financière», a expliqué une porte-parole.

Qu’elles soient coupables ou non, les banques avaient plusieurs avantages à tirer d’une entente sur le cours du Libor. Pris dans la tourmente de la crise financière, les établissements auraient voulu maintenir des taux plus bas pour éviter d’inquiéter davantage les marchés sur leur propre santé. Un taux de référence en forte hausse aurait alerté leurs investisseurs.

Aujourd’hui, cette explication est toutefois remise en cause par des experts. Certaines banques auraient été incitées à faire évoluer le cours du Libor en leur faveur en raison de l’importance de ses variations pour leurs portefeuilles. «La muraille de Chine, qui doit séparer les activités de trésorerie, qui envoient les taux Libor, de celles de courtage, dont les produits rapportent plus ou moins en fonction des taux, a pu être abattue», explique Connan Snider. Les traders seraient donc allés suggérer à leurs collègues de soumettre des taux favorables à leur portefeuille.

«En 2009, Citibank a indiqué qu’elle empocherait 936 millions de dollars si les taux d’intérêt baissaient d’un quart de point par trimestre durant une année. Le gain s’élevant même à 1,935 milliard s’ils chutaient de 1% instantanément», lit-on dans une plainte.
D’autres hypothèses sur les raisons d’une manipulation ont émergé. «Il est difficile de croire que dix-huit banques aient eu intérêt, exactement au même moment, de voir le Libor diminuer ou augmenter», explique Rosa Abrantes-Metz. Cette professeure de la Stern School of Business de l’Université de New York avance une autre explication: «En termes d’investissements et de réduction des risques, c’est un énorme avantage de pouvoir connaître à l’avance dans quelle direction le taux évoluera le lendemain.»

Du côté des clients, aucun expert ne s’aventure à calculer leurs pertes potentielles. D’abord parce qu’il faudra démontrer que le Libor a été trafiqué. Ensuite parce qu’il faudra estimer les dégâts pour des centaines de milliards de produits. Ou les gains. Car si les taux ont effectivement été sous-évalués, les détenteurs d’hypothèques ont pu en bénéficier en payant moins que ce qu’ils auraient dû.
«Le Libor est le symbole des excès d’une finance écrivant elle-même ses règles»
François-Marie Monnier, ancien spécialiste des marchés de taux revient sur les origines de ce système de fixation, à Londres, de l’un des taux d’intérêts de référence. Sans complaisance
Conseiller financier indépendant au service d’un «family office» à Genève et membre de la Commission des indices obligataires de la bourse Suisse (CIO – Six Group), François-Marie Monnet jette un regard sans complaisance sur le système de fixation des taux internationaux du Libor. Rappel historique et épistémologique.

– Le Temps: Comment est-on arrivé à une telle situation, dans laquelle les banques sont les maîtresses des horloges du système financier? Comment faisait-on avant l’invention du Libor en 1986?

– François-Marie Monnet: Dans les années 70 les banques payaient des employés fort cher pour faire le tour de la planète afin de négocier, avec les autres banques, des lignes de crédit renouvelables, sur une période courte et annulables à volonté. Rien d’écrit, tout était oral. Et pas de différence de conditions: il suffisait d’être une banque – grande ou petite, «a bank is a bank» disait-on alors – pour obtenir des prêts aux mêmes conditions.

Ceci reflétait des conventions entre professionnels travaillant en se regardant dans les yeux, se tenant tous par la barbe. Ce système est bousculé par l’émergence, à la fin des années 70, du phénomène de la «titrisation»: la création de produits financiers – des «obligations à taux flottant» – dont la rémunération est basée sur ce taux interbancaire.

Devant donc respecter les règles de l’appel public à l’épargne, ces titres entrent en contradiction directe avec les pratiques régissant alors le monde interbancaire: les montants des concours sont fixes et immuables, pour une durée de plus en plus longue. Et il faut un contrat écrit – que l’on va ensuite standardiser. Surtout, plus question d’annuler à n’importe quel moment le «concours» en se faisant rembourser l’obligation. Il est alors inscrit dans le contrat obligataire que le taux interbancaire servant de référence à ces produits est déterminé par un agent de calcul: celui-ci demande à quelques banques expressément nommées quelles sont leurs conditions de prêts de dépôts, à d’autres banques, dans telle ou telle devise. Rapidement ce processus totalement privé et complexe – difficile de choisir les banques, il y en a de plus fragiles que d’autres – est remplacé au milieu des années 80 par la fixation d’un taux indicatif, chaque jour à 11h40 à

Londres.

Un taux ne reflétant aucune transaction réelle. Pourtant, au fil du temps, il est devenu l’élément clef sur lequel sont basés de centaines de milliards de dollars de produits financiers.

– Mais en quoi ce système présente-t-il un risque?

– Toutes ces pseudos bourses privées sur lesquelles est défini un prix de référence crucial reposent sur un vide juridique: vous n’avez pas d’agence de surveillance les supervisant, comme sur une vraie place d’échange organisée. Tout problème conduisant un investisseur à mettre en cause la justesse de ce prix de référence devra donc être réglé à l’aide du seul droit privé. Contrairement à ce qui se passe sur le marché aux légumes, où la ménagère peut, en attaquant le manque de précision de la balance d’un marchand, se référer à son contrôle obligatoire par une agence de certification. Sans compter que lorsque vous sortez d’une période comme celle dont nous acons traversée, durant laquelle le monde doute de la solidité des banques – même celles de la taille d’UBS – la confiance dans ce taux interbancaire «indicatif» disparaît.
-

Vous dites que ce taux d’intérêt ne s’appuie sur aucune activité de prêt concrète? Peut-il en être différemment dans un monde financier aussi complexe? Il semble illusoire de revenir aux années 70…

– N’oubliez pas que tout ce marché du Libor est lié à ce qu’on appelait les «eurodollars» [ndlr: les prêts interbancaires en dollars consentis en dehors des Etats-Unis]. La création d’un marché d’emprunts en dollars, entre banques étrangères, arrangeait les Etats-Unis il y a quarante ans. Reste que ces établissements n’appartiennent pas au système financier des Etats-Unis. Et que le taux fixé pour leurs prêts ne reflète donc pas des transactions sur les seuls dépôts en dollars qui soient bien réels: ceux dans les banques américaines. Ces dernières disposent, elles, de leur propre marché interbancaire. Sur lequel sont utilisés des «vrais» taux d’intérêt en rapport avec des concours commerciaux – le «prime rate», le taux de bons du Trésor – reflétant à la fois une réalité économique. Mais aussi la présence, derrière les coulisses, d’une Réserve Fédérale, prête à débloquer les nœuds du système grâce à sa capacité à créer des liquidités. Il faut en outre rappeler que la Suisse n’a, elle, jamais voulu entendre parler d’un marché de «l’euro-suisse»; ne tolérant pas que des banques échappant au contrôle de la Banque nationale puissent s’échanger des dépôts en francs suisses.

– À votre sens, ce scandale pourrait-il remettre en cause la fixation de ce Libor?

– ll est évident qu’en passant au peigne fin les excès de ce système financier international fixant lui-même ses règles, on allait immanquablement tomber sur le Libor, qui est l’un de ses noyaux. Au fil du temps, les banques se sont ainsi trouvées dans la position de pouvoir fixer elles-mêmes le taux de référence leur servant à constituer des produits financiers, ensuite proposés à leurs propres clients. Si les tentatives pour sortir de décennies d’autorégulation portent leurs fruits, le mode de fixation actuel du Libor ne sortira pas indemne.

Autant prévenir d’emblée la lectrice ou le lecteur des lignes qui suivent: c’est l’enquête la plus absconse qui soit. La fixation du «taux libor» a-t-elle fait l’objet de manipulations? Et si oui par qui? depuis combien de temps? avec quelles conséquences financières?
Le monde financier est secoué depuis quelques années par un doute persistant sur la juste détermination d’un taux d’intérêt qui joue un rôle central dans le fonctionnement quotidien des marchés, le libor. L’acronyme vaut pour London interbank offered rate, et sert directement ou indirectement de référence pour fixer les taux d’intérêt d’une multitude de produits financiers (prêts commerciaux, prêts hypothécaires, emprunts obligataires, instruments dérivés etc.) pour une valeur estimée de 350’000 milliards de dollars (vous avez bien lu: 350 suivi de douze zéros).
Par extension, il y a un «libor» pour le dollar, l’euro, le franc suisse, le yen japonais etc. Compte tenu de l’importance du libor, les doutes exprimés ont conduit les autorités de surveillance de plusieurs pays (entre autres Etats-Unis, Grande-Bretagne, Japon) à ouvrir des enquêtes et à demander à plusieurs grandes banques de leur fournir des renseignements et des documents.

Dans tout bon roman policier, il y a toujours un moment où un inspecteur dit: «Bon, reprenons tout à zéro!». Au début donc, il y a le libor. Sa création remonte à 1986. Il est le reflet du processus de mondialisation financière en cours et répond au besoin de disposer d’un taux de référence «universel». Le mécanisme adopté est le suivant: chaque matin, une vingtaine parmi les plus grandes banques dans le monde communiquent au secrétariat de l’Association des banquiers britanniques les taux d’intérêt qu’elles pratiquent sur le marché interbancaire à des échéances variant entre un jour et douze mois.
La faillite de Lehman Brothers
Petite parenthèse pour pouvoir suivre le déroulement ultérieur de l’enquête. Le marché interbancaire, comme son nom l’indique, est celui sur lequel les banques s’échangent entre elles les liquidités dont elles n’ont temporairement pas besoin ou dont au contraire elles ont momentanément besoin. Les opérations s’effectuent directement entre banques ou par l’intermédiaire de courtiers (brokers).
Le rôle du marché interbancaire est central pour qu’en tout temps les banques puissent mettre à disposition de leur clientèle les liquidités nécessaires aux règlements de leurs affaires, qu’elles soient privées, commerciales, industrielles, financières ou autres. Une paralysie du marché interbancaire se traduirait quasi instantanément par un blocage général de toutes les activités économiques. Pour prendre un exemple simple: les banques ne disposeraient plus des fonds nécessaires pour alimenter les bancomats et les cartes de crédit ne seraient plus utilisables.

La récente crise financière a connu son apogée lors de la faillite de la banque américaine Lehman Brothers (mi-septembre 2008). La secousse qui en a résulté a bloqué le marché interbancaire. Les banques ont cessé de se prêter entre elles. Les activités économiques ont néanmoins pu se poursuivre grâce aux interventions d’urgence des banques centrales qui ont annoncé qu’elles mettaient à disposition des banques des fonds en quantité illimitée (contre remise de garanties, bien entendu). Le marché interbancaire a donc été remplacé par un marché entre chaque banque et la banque centrale (en Suisse, la Banque nationale).
Le (bon) fonctionnement du marché interbancaire implique que les banques se fassent confiance. Le «faire confiance» signifie que la banque qui met à disposition ses liquidités excédentaires considère qu’elle sera remboursée à l’échéance (un jour, une semaine, un mois, quelques mois, une année). Si un doute émerge quant à la capacité d’une banque de faire face à ses engagements, plus aucune banque ne lui avancera de liquidités.
UBS SA s’est retrouvée dans cette mauvaise position dans les jours qui ont suivi la faillite de Lehman Brothers, ce qui a conduit le Conseil fédéral et la Banque nationale à intervenir à hauteur de près de 70 milliards de francs. Mais même après cette intervention, de nombreuses banques ont refusé de consentir des avances de liquidités à UBS SA pendant de très longs mois.

La faillite de Lehman Brothers a fait naître un doute généralisé sur la solvabilité de beaucoup d’instituts financiers. Toutes les banques ont commencé à se regarder en chiens de faïence, s’interrogeant sur la capacité de chacune d’entre elles à absorber les conséquences financières des milliers de milliards de produits dérivés adossés à un marché hypothécaire moribond. La défiance a remplacé la confiance de sorte que le marché interbancaire est devenu lui aussi moribond.
Informations tronquées

Ce détour pour retrouver la question du libor. Chaque matin, donc, une vingtaine de grandes banques indiquent les taux qu’elles ont pratiqués sur le marché interbancaire.

Reprenons le cas de UBS SA.

A l’automne 2008, un doute sérieux plane sur sa solvabilité. Les banques qui sont d’accord de lui faire des avances de liquidités majorent leurs taux d’intérêt. Ce qui équivaut à facturer à UBS SA une prime de risque. Celle-ci est généralement calculée en points de pourcentage. Si UBS SA annonce qu’elle a emprunté à six mois au taux de 2%, par exemple, alors que le taux entre d’autres banques est de 1,5%, elle fait savoir qu’elle a dû s’acquitter d’une prime de risque de 50 points, ce qui est l’indication d’une certaine défiance ou fragilité. Elle peut donc être tentée d’embellir sa situation en ne faisant pas état des transactions qui comportent les primes de risques les plus élevées.

Il est vraisemblable que d’autres grandes banques américaines, européennes, japonaises se sont trouvées en 2007-2008 dans une situation analogue à celle d’UBS SA et pourraient aussi ne pas avoir communiqué l’intégralité de leurs transactions sur le marché interbancaire. Avec quels effets sur la fixation du libor? Celui-ci ne résulte pas de la simple moyenne arithmétique des chiffres fournis. Les cinq taux les élevés et les cinq taux les plus faibles, pour chaque échéance, ne sont pas pris en compte. Le libor est donc calculé sur la moyenne des 2e et 3e quartiles. L’élimination des extrêmes a vraisemblablement pour conséquence de réduire les effets de ces communications incomplètes.

Effets multiplicateurs substantiels

Mais, indépendamment des situations d’urgence évoquées ci-dessus, il est aussi possible d’envisager l’existence d’accords passés entre des services de certaines banques pour coordonner leurs communications et tenter d’influencer la fixation du libor. Même de très faibles variations peuvent avoir des effets multiplicateurs substantiels puisqu’il sert de taux de référence, comme nous l’avons mentionné précédemment, pour des marchés estimés à 350’000 milliards de dollars!
S’ajoute à ces considérations la question de principe. Les marchés financiers mondiaux et plus généralement l’ensemble des agents économiques doivent avoir l’assurance que la fixation du libor est transparente et reflète effectivement et exactement les conditions du marché interbancaire.

C’est un peu tout cela que les autorités de surveillance bancaire et de la concurrence ont commencé d’examiner il y a déjà plus d’une année. Sont visés des banques, des hedge funds et des courtiers. En Suisse, la Commission de la concurrence (Comco) a annoncé le 3 février dernier l’ouverture d’une enquête; douze banques seraient concernées.

A en croire le Financial Times, plus d’une dizaine d’employés à Londres et en Asie auraient été licenciés ces derniers mois dans plusieurs établissements (Deutsche Bank, JP Morgan Chase, Royal Bank of Scotland, Citigroup, Barclays). UBS SA aurait également suspendu plusieurs employés, dont deux hauts responsables. Jusqu’à présent, seules les autorités japonaises ont pris des mesures à l’encontre d’UBS SA et de Citigroup.

Ces licenciements sont intervenus alors même qu’aucune des enquêtes instruites n’est terminée. On ne sait donc encore rien sur l’ampleur éventuelle des manipulations, ni sur les montants impliqués. On sait en revanche qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Ce qui permet d’imaginer, sans trop de risques de se tromper, que les banques concernées anticipent les conclusions de ces enquêtes, voire même, peut-être, espèrent qu’elles pourraient être suspendues, en tout ou partie, puisque les coupables potentiels ont été congédiés. Procédé habituel dans ce milieu!

Affaire à suivre. A n’en pas douter.

JEAN-PIERRE GHELFI Economiste. Ancien membre du Conseil de banque de la BNS.

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