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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
13 octobre 2013

Libraires (suite)

Olivier Berruyer

 
à les_crises
                       Un nouveau billet vient d'être publié sur Les-Crises.fr : '[Reprise] Mon expérience d’éditeur avec Amazon et les libraires français, par Serge Roukine'

Ce billet, repris sur le blog de Serge Roukine, termine la série sur le Livre – parce qu’il ne faut pas oublier qu’un livre, c’est avant tout un auteur…

J’ai publié un premier livre chez Eyrolles, l’éditeur parisien bien connu, et j’ai publié mon second livre en auto-édition. J’ai beaucoup appris sur le monde de l’édition grâce à ces deux aventures. Bien entendu, mon expérience reste partielle puisque mes livres se vendent principalement sur internet et moins dans les librairies physiques (j’en vend quand même en FNAC et chez plusieurs petits libraires) mais je suis très surpris par ce que j’ai constaté.

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Pour réaliser mon livre, ce fût assez simple : j’ai trouvé un graphiste pour la mise en page, j’ai fait appel à un imprimeur, j’ai récupéré un ISBN, j’ai enregistré mon livre dans les bases de données  et j’ai contacté les libraires les plus importants pour y faire référencer mon livre.

C’est après que ça se corse …

D’abord pour s’enregistrer dans les bases de données pour libraire type Electre ou TiteLive c’est un peu le moyen-âge. La notion de formulaire web, il y a encore 2 ans, était inexistante. Pour référencer votre livre vous devez créer et remplir un fichier Excel et tout envoyer à une personne chargée de remplir elle-même une base de donnée. Je vous laisse imaginer la chose. Le fait d’être dans ces bases ne garantit d’ailleurs rien, et en tout cas pas que vous serez effectivement référencés par les libraires. Certains, comme la FNAC, utilisent d’ailleurs leur propre base !

Une fois le livre rentré dans ces bases de données plus ou moins utiles, il fautvéritablement référencer l’ouvrage chez les libraires, ce qui est long.

Chez Amazon, c’est très simple : en quelques manipulations et en quelques jours, vous pouvez vendre votre livre sur ce site sans problème. Vous recevez une première commande de 4 livres, et hop, une fois le colis arrivé chez Amazon, le livre est en stock ! Amazon commence d’ailleurs à vendre dès que le livre est en stock même si la date de parution n’est pas encore atteinte (attention !).

Pour vendre des ebooks chez Apple, c’est un peu plus complexe mais ça reste assez facile. Il faut un EIN (Emplyer Identification Number) qui est un peu complexe à récupérer aux US, mais une fois que c’est fait, vous pouvez vendre sur l’iBook Store en quelques jours si vous avez le fichiers ePub au bon format.

Pour les libraires français, c’est moins facile.

Pour la FNAC, il n’y a pas de processus bien identifié sur le web comme pour Amazon. Il faut aller dans une FNAC, prendre rendez-vous avec un responsable de rayon et lui pitcher le livre. Vous devrez ensuite remplir un formulaire papier pour demander une autorisation de référencement que vous devrez faxer.

Suite à quoi vous devrez contacter le responsable de chaque magasin (inclus celui de Fnac.com) pour lui demander de bien vouloir vendre votre livre. Je n’ai pas à me plaindre de la FNAC qui au final vend bien mes ouvrages et qui sait reconnaitre quand le livre n’est plus en stock et me repasser commande automatiquement. Mais je sais que mon livre n’est pas dans les rayons de toutes les FNAC en France. Il faudrait pour cela visiter chaque magasin. Et comme les responsables de rayon sont sur-sollicités, ce ne serait pas simple …

Pour d’autres gros libraires français (qui vendent en ligne et ont plusieurs librairies … je ne citerais pas les noms) c’est encore plus compliqué. Déjà, le référencement est bien plus long et difficile. Il n’y a pas de processus défini : il faut passer des coups de fils à droite à gauche, c’est limite du copinage et du piston ! Ensuite, si on arrive à se faire référencer, la mise en stock doit être négociée.

Il faut alors trouver les bons interlocuteurs. Et personne ne veut mettre le livre en stock. Il faut appeler, négocier, parlementer, expliquer et patienter. Et pendant ce temps, Amazon n’a pas attendu et vend des dizaines d’exemplaires du même livre, toutes les semaines …

Et puis, on arrive enfin à mettre quelques livres en stock (5, par exemple) ou alors pas du tout car (attention) « ce n’est pas notre politique de faire du stock ». Le livre est quand même en vente sur ces sites, mais le livre affiche un état « Livraison en 3 jours ». Le libraire passera commande à l’éditeur en flux tendu. Le client doit patienter (en réalité bien plus que 3 jours car le livre doit être livré au libraire, puis au client …) ou commander chez Amazon qui à fait l’effort de faire du stock. Là encore Amazon vend et vend toujours plus.

Chez pratiquement tous les grands libraires français (sauf la FNAC), la ré-appro n’est pas automatique ! Il faut appeler le service achat et négocier une réappro. Pendant ce temps là, Amazon vend toujours.

Un certain libraire français, et plutôt un des gros, nous passe parfois des commandes unitaires plusieurs fois par semaine ou par mois, plutôt que de passer une commande globale et de stocker les livres. Les clients rentrent dans ses librairies et, comme le livre n’est pas en stock, certains passent commande et d’autres vont certainement commander ailleurs. Le libraire nous répercute la commande sans faire de stock. Quand on appelle pour inciter à prendre plus d’exemplaires, la sentence est claire : « nous ne faisons pas de stock ».

Sur ce gros libraire en particulier, nous avons du passer les frais de port unitaire à 8, puis à 9 euros par livre car, avec la Poste, envoyer des livres à l’unité est cher (en plus d’être long à organiser). Du coup, sachant que le livre coûte 27 euros et qu’il a 40% de remise, il achète chaque exemplaire à 16,20 + 9 = 25,20 euros. Il se contente donc de ses 2,80 euros de marge là où Amazon fait  11,50 euros de profit (soit 3 fois plus …). Alors que, de nouveau, rien n’empêche ce libraire de faire autant de marge qu’Amazon.

Les petits libraires indépendant sont comme ça aussi, mais à une moindre échelle. Ils commandent à l’unité, à plusieurs reprises si c’est nécessaire. Ils ne se posent pas la question suivante : « un client vient me commander ce livre, est-ce que je ne devrais pas en mettre en stock quelques-uns ? ». Certains libraires cherchent tout de même à négocier les frais de port, c’est rare. Comment négocier quand tu as pris la commande et que tu ne commandes qu’un seul livre ? Dans ce cas là, je veux bien baisser les frais de port mais je leur demande de prendre du stock. 10% acceptent et 90% refusent et ne prennent qu’un seul livre.

La librairie Eyrolles à Paris est d’ailleurs celle qui négocie le mieux. Ils prennent du stock, ne payent pas les frais de port et vendent plus de livre que tous les autres libraires physiques réunis …

Alors, bien sûr, il y a de nombreux livres qui sortent. Bien sûr, il est surement plus rentable de vendre seulement des bestsellers (et encore, si c’était le cas, les libraires seraient riches). Bien sûr on ne peut pas tout stocker, mais quand même ! Les libraires se plaignent de voir partir leur chiffre d’affaire vers Amazon. Les grands libraires français et le ministre de la Culture s’attaquent au géant américain. Mais, guess what, Amazon fait son métier ! Je veux un livre, il est sur Amazon et il m’est livré rapidement. Quel besoin aurais-je à aller passer commande en librairie ? « Revenez dans deux jours (en fait, une semaine), nous l’aurons reçu », s’entend t-on répondre.

Pour info, mon livre s’est plutôt bien vendu pour un livre professionnel. Je suis resté plusieurs semaines dans le top 100 d’Amazon, avec des pointes dans le top 50 (plusieurs dizaines de ventes par jour), et je suis longtemps resté dans les 500 premiers livres vendus.

Pour avoir été dans le commerce pendant plusieurs années, je peux  dire que l’essence du commerce c’est d’abord la disponibilité. Avoir les produits en stock, c’est un risque, mais c’est aussi une opportunité. Amazon dispose de nombreuses plateformes logistiques, dont une dans la Drome, à Montélimar, qui stocke mes livres.

Bien entendu tout n’est pas rose, et certaines fois mon ouvrage s’est retrouvé en rupture parce que le système de réappro automatique d’Amazon n’a pas bien estimé les ventes. Mais je vends 80% de mes livres sur Amazon parce que leur stratégie commerciale et logistique est la meilleure. Stratégie qui n’a rien de déloyale, mais qui oblige, il est vrai à construire des dépôts et à y stocker des produits.

Saviez-vous qu’Amazon ne paye pas son stock de livre  ? Le stock est financé par les éditeurs qui envoient les livres et  qui ne peuvent facturer que quand ils sont effectivement vendus aux clients !

Amazon ne paye pas les frais de port des éditeurs non plus et fixe lui-même la remise libraire (50% pour un livre grand public, 45% pour un livre pro) ? Encore des pratiques anti-concurrentielles ou du simple bon sens qui leur permet de faire plus de marge et de vendre plus de livres ?

Pour ce qui est des libraires, il est triste qu’ils disparaissent. Je suis un lecteur assidu et j’achète en moyenne plus de 50 livres par an (romans, essais, documents, livres pros). Je dois en acheter 90% sur le web (dont 30% en ebook) et 10% … dans les gares (oui, j’aime lire dans le train). Je n’entre pour ainsi dire jamais en librairie, sauf à la FNAC pour faire des cadeaux. Ou alors, si je rentre en librairie, c’est en mode « découverte » lorsque je veux des idées de livres. Mais pourquoi rentrerais-je en magasin pour trouver un ouvrage si dans un cas sur deux, il n’est pas en stock ?

Le mot de la fin

Je m’aperçois que ce billet parle beaucoup d’Amazon. J’en suis le premier étonné, je n’ai pas d’actions chez eux. Par contre j’avoue admirer leur manière de faire des affaires et apprécier être leur client (et leur fournisseur d’ailleurs).

Ce que j’avais envie de dire avec ce billet c’était plutôt que, comme lecteur et comme auteur, je souhaitais que les acteurs du livre en France embrassent le changement plus vite et plus efficacement, plutôt que d’y résister. Que les libraires cessent de croire leur présence indispensables et trouvent le moyen, dans un monde où il est facile d’être édité et distribué, de proposer plus de services, des services différents et plus utiles, aux auteurs … et aux lecteurs. Et aussi que l’on retrouve la culture du risque dans ce pays, plutôt que de vouloir contenir les succès des Amazon et des Google de ce monde. Alors bien sûr tout cela est plus facile à dire qu’à faire, mais faut-il pour autant ne pas le dire ?

PS : je viens de découvrir cet article intitulé Pourquoi les libraires allemands peuvent concurrencer Amazon et les libraires français pas. Il est très intéressant.

En voici un extrait :

Certains libraires, dans les grandes villes allemandes, emploient des messagers à vélo. L’organisation optimale de ce système, basée sur la coopération entre éditeurs, grossistes et magasins, s’occupe du reste, à savoir que chaque libraire peut maintenant recevoir un stock de livres le lendemain de la commande. De cette manière, les libraires sont en mesure de rivaliser avec Amazon. Toutefois, le meilleur argument de vente pour ces derniers reste l’expertise et la connaissance littéraire du personnel.

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