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Front de gauche de Lizy et du Pays de l'Ourq 77
12 juillet 2012

PEUGEOT, Aulnay sinistrée

Des salariés d'Aulnay:

« On va être le cauchemar de PSA et du gouvernement »

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Chez PSA-Citroën, il y a des mots tabous. La direction ne dit jamais« licenciements » ou « fermetures », mais « mobilité externe » et« décroissance progressive des activités ». Les 3 000 salariés et les 300 intérimaires de l'usine d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) maîtrisent ce jargon. Et ils ont donc parfaitement compris ce qui a été annoncé jeudi matin lors d'un comité d'entreprise extraordinaire. Le site d'Aulnay sera fermé en 2014. La direction de Peugeot Citroën a annoncé un plan de suppression de 8 000 emplois en France. En plus de la fermeture d'Aulnay, PSA veut supprimer 3 600 emplois de structure – administration, recherche et développement et commerce – par départs volontaires, et 1 400 emplois dans son usine de Rennes (Ille-et-Vilaine) (lire le détail du plan ici).

Voilà un an que les ouvriers d'Aulnay se préparaient à perdre leur emploi. Depuis la révélation d'une note interne par la CGT dessinant le scénario d'une fermeture du site en 2014, confirmé par d'autres documents révélés par Mediapart, ils attendent que la bombe sociale explose. Car si leur usine ferme, c'est l'ensemble du « 9-3 », département parmi les plus pauvres et les plus jeunes de France, qui en souffrira. La plupart d'entre eux vivent dans les immeubles de la cité des 3000, à seulement quelques kilomètres de là.

L'entrée du site de PSA à Aulnay © Ellen SalviL'entrée du site de PSA à Aulnay © Ellen Salvi

Les syndicats, qui n'étaient pas apparus aussi unis depuis des mois, sont « prêts à la bagarre ». Ils appellent à la grève générale ce jeudi et à un rassemblement des salariés, ouvriers, techniciens, cadres, en début d'après-midi, sur l'immense parking devant la porte 3, où se trouve l'entrée du personnel. « On va être le cauchemar de PSA et du gouvernement. Les Continental à côté, c'est rien », prévient Ahmed Berrazzel, gosse des cités devenu l'une des figures de la CGT, syndicat majoritaire chez les ouvriers.

« Cette fois-ci, on y est. Le jour J est arrivé », surenchérit Jean-Pierre Mercier, quinze ans de maison. Le leader des « rouges », délégué central CGT au comité de groupe et ex-porte-parole de Nathalie Arthaud durant la campagne présidentielle, se réjouit de faire front commun avec les autres syndicats dont le très droitierSIA, le syndicat maison proche de la direction, dirigé par une femme, Tanja Sussest.

Nordine et Abdel de la CGT © Ellen SalviNordine et Abdel de la CGT © Ellen Salvi

Principal employeur des environs, l'usine PSA-Aulnay qui a ouvert en 1973 raconte les lendemains qui chantent et déchantent de la France : l'euphorie économique des Trente Glorieuses, l'embauche massive des premières générations d'immigrés d'Afrique du Nord pour produire à la chaîne des millions de véhicules, puis de leurs enfants nés en France, et aujourd'hui, le déclin de l'automobile française, la crise sans fin. Sa sociologie beur-black-blanc-asiatique, qui saute aux yeux à la sortie de l'usine, dit aussi l'histoire de ces villes de banlieue.

Sortie d'usine mardi 10 juillet 2012Sortie d'usine mardi 10 juillet 2012© Rachida El Azzouzi

Mediapart est allé à la rencontre des salariés de cette usine qui fabrique des voitures « mais aussi des handicapés », rappellent les syndicalistes. Ceux qui acceptent de témoigner à visage découvert sont souvent syndiqués CGT ou SUD, originaires du Maghreb, le plus gros des troupes. Ceux qui ne sont pas encartés ou qui sont SIA, les « blancs » qui viennent parfois de très loin, de Picardie, mais aussi les derniers immigrés embauchés, les Africains, les Indiens, les Pakistanais, les Chinois, fuient les interviews, passent le plus souvent leur chemin en baissant la tête.

Tous broient du noir, oscillant entre fatalisme et combativité, fatigués par des mois de tension en interne, d’incertitude quant à leur avenir professionnel. « On ne pense qu'à ça tous les jours, toutes les nuits. Il y a beaucoup de cas de dépressions », confie Najim, 32 ans, deux enfants, des crédits sur le dos et « la trouille du chômage ». Il vient de l'un des plus gros quartiers de l'Oise « où il n'y a pas de boulot ». « Cette usine, c'est notre vie. On l'aime », réplique M'Barek Harfaoui, un vieil immigré marocain, embauché en 1975, l'une des dernières mémoires ouvrières de l'usine où la moyenne d'âge tourne aujourd'hui autour de 30-35 ans.

Rencontres devant les tourniquets métalliques de la porte 3 quand les équipes du soir « embauchent » à 14h37 et que le ballet des bus bat son plein pour ramener les équipes du matin.

Des salariés d'Aulnay: « On va être le cauchemar de PSA et du gouvernement »

M'Barek, 60 ans « C'est la France qui a fait des ghettos. C'est pas nous. »

M'Barek Harfaoui, 60 ans dont 38 à l'usine d'AulnayM'Barek Harfaoui, 60 ans dont 38 à l'usine d'Aulnay© Rachida El Azzouzi

 

 « Tu passes 38 ans dans la maison et tu pars comme ça. C'est le couloir de la mort. » M'Barek Harfaoui se tourne pour essuyer la larme qui perle dans le creux de ses rides. Il croyait tenir l'entretien, debout, planté au milieu du parking désert, stoïque dans son costume dépareillé. Mais il craque au moment de reprendre sa voiture. Dérouler ses quatre décennies derrière les murs de PSA-Aulnay, c'est rouvrir des blessures. C'est revenir au lendemain de la décolonisation de l'Afrique du Nord, quand la France avait besoin de bras, que les usines, aidés par l'Etat, dépêchaient, de Tunis à Casablanca, des médecins pour recruter à la pelle une main-d'œuvre pas chère.

« Harfaoui », « le rouge de Goulimine », le nomade du désert marocain, est l'un des derniers témoins de cette époque, un des milliers de visages de la première génération d'immigrés maghrébins, le bataillon d'Aulnay de 1973 aux années 2000. « On n'est plus qu'une dizaine dans l'usine. Ils sont tous partis », compte-t-il sur les doigts de sa main, le regard barré par ses lunettes de myope.

Il avait 23 ans lorsqu'il a quitté sa mère et la province de Guelmim pour la région parisienne. C'était en 1975. Il venait d'être déclaré par un médecin français apte à reconstruire la France. Il raconte« le test » dans un français impeccable acquis au fil des années, marqué par l'accent « chibani ».

« Les gouverneurs des différentes provinces lançaient des appels aux volontaires pour aider la France. Vu la misère, nous étions des milliers à descendre de nos montagnes. Il fallait avoir entre 18 et 25 ans. Nous étions comme du bétail, nus, à la queue-leu-leu. Un médecin passait dans la file, s'attardait sur les plus musclés, regardait surtout les mains et les jambes puis il te mettait un tampon comme un taureau s'il te sélectionnait. Ceux qui avaient quarante ou quinze ans essayaient de passer. Certains ont réussi mais une fois de l'autre côté, ils ont cassé leur santé ».

M'Barek « rêvait de France ». Il traversait Gibraltar « pour avoir la liberté ». Il ignorait qu'il mettait les pieds « en prison » chez Peugeot. Il était aussi à mille lieues de s'imaginer un destin syndicaliste, pourfendeur de « la bourgeoisie mondiale » et des actionnaires. Les premières années, il baisse la tête, essuie les blagues racistes, endure les cadences comme tous « les frères » :« La pression était énorme. L'usine tournait à plein régime. On n'avait même pas le droit de parler entre nous. Si tu bronchais, le chef menaçait de te renvoyer chez Hassan II. En général, les RU et les RG (responsables d'unité ou de groupes) étaient des anciens colons. La direction les avait recrutés exprès car ils parlaient arabe et savaient mater les bougnoules. C'est comme ça qu'ils nous appelaient, jamais “Monsieur”. »

En 1979, avec une quinzaine de camarades, il se syndique clandestinement à l'union locale CGT du 93. Les prémisses du grand mouvement de grève initié par les ouvriers immigrés au printemps 1982, révoltés par leur « statut d'esclave ». A Aulnay, M'Barek est l'un des leaders de la fronde. « On n'avait pas d'expérience. On ne savait pas ce que voulait dire “grève” mais on était déterminés à retrouver notre dignité. » Ils revendiquent la liberté syndicale, une augmentation salariale de 500 francs et « la fin du Ricard », cette humiliation que M'Barek ne parvient pas à pardonner.

« Pour obtenir une journée de congé ou obtenir un poste moins pénible car tu n'arrivais plus à tenir debout, explique-t-il, il fallait offrir une bouteille de Ricard aux chefs. Ils savaient qu'on était musulman et que la religion nous interdisait de toucher une bouteille d'alcool. »

Ce n'est que la première lutte. D'autres suivront « dans le métissage » avec Mouloud, Jacky, Robert, les Yougoslaves, les Portugais... Une à une, M'Barek les récite : du premier plan social de sa carrière – 800 licenciements en 1984 – qui décapitera la section CGT au profit de la CSL (ex-SIA) à la tempête sociale qui s'annonce demain si PSA sacrifie l'usine d'Aulnay. « Depuis 2002 et l'arrivée de Philippe (Julien), et Jean-Pierre (Mercier), la CGT a mené de belles luttes sur le terrain des discriminations. Ils ont poussé PSA à embaucher des jeunes du quartier », applaudit-il.

A la fin du mois, il devait partir en vacances. « Vu le chantier à l'usine », il a annulé le voyage annuel dans son Sahara natal. Là-bas où « tout le monde rêve d'un visa pour la France même si tu leur expliques qu'ils se trompent », il ne dit « rien ». Sa famille ne sait pas ce sentiment d'avoir été « toujours inférieur aux autres, les vrais Français ». Elle ignore sa fin de carrière, opérateur au montage, payé 1 650 euros net après 38 ans de labeur.

A 60 ans, il pourrait se reposer si « Sarkozy n'était pas parti avec sa retraite » mais le « robot usé » doit encore tenir deux ans. Diabétique, rongé par des troubles musculo-squelettiques, il« résiste au boulot et dans la vie de plus en plus dure, de plus en plus chère ». Il n'habite plus « Chicago », « la cité des 4000 » à la Courneuve mais une HLM à Carrières-sur-Seine dans les Yvelines,« une résidence tranquille de trois étages » avec sa femme qu'il l'a rejoint en 1984.

Leurs six enfants, nés entre le Maroc et la France, sont devenus grands. M'Barek aurait voulu que les cinq garçons « prennent le chemin des études supérieures mais ils ont pris la mentalité de la cité », tousse-t-il en baissant les bras. Avant de se reprendre : « Ce n'est pas de leur faute. C'est la France qui a fait des ghettos. Ce n'est pas nous. » Il souffre de voir, malgré les combats menés, les immigrés encore stigmatisés, victimes d'un racisme « plus sournois, plus ordinaire ».

« Aujourd'hui, PSA exploite les nouvelles vagues d'immigrés, les Zaïrois, les Congolais, les Hindous, les Chinois. Les faibles ont changé de nationalité. Avant, c'était nous les Arabes et avant nous, les Italiens », constate-t-il, écœuré. Durant le quinquennat précédent, il n'achetait plus le journal car « on met tout sur notre dos ». Déçu par la gauche plurielle sous Mitterrand, par les politiques en général, il ne croit pas que les élections, présidentielles, législatives, améliorent la vie des travailleurs : « Il n'y a que la rue qui le peut. »

 

ourq_pArticle paru ce jour sur Médiapart. 2 feuillets sur 5 publiés.

                              http://www.mediapart.fr/journal/france/110712/des-salaries-daulnay-va-etre-le-cauchemar-de-psa-et-du-gouvernement?page_article=2

                               Que dire? Rien! Pour l'instant on ne peut que faire du bla-bla et ce n'est pas notre genre. Par contre on écoute, on lit, on apostrophe ceci est de notre ressort pour aujourd'hui.

                          Pour cette gabegie tant économique qu' humaine nous laissons aux commandes les Syndicats seuls maitres de la situation. Pas la peine d'ergoter, ni même de palabrer car cette affaire est extrèmement grave. Notre rôle politique est tel, tant que les Syndicats ne font pas appel à nous et ce, quelqu'en soit cette demande.

                         Simplement, avec cette annonce faite au CE de Peugeot, la situation est extrèmement grave d'un point de vue social sur notre Région. Nombre de travailleurs vont se retrouver à la rue car il ne faut pas oublier les emplois intérimaires et les sous-traitans.

 

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